« L’Homme qui écoute les oiseaux » par Pour nos jardins

Jean-Claude Roché est installé à Mens, en Isère. Mais c’est la terre entière qu’il parcourt afin d’enregistrer les chants d’oiseaux, ces « voix de la nature ».
« Les oiseaux représentent une grande partie du paysage sonore de notre environnement au sein de la nature. » Ainsi parle Jean-Claude Roché, grand spécialiste des chants d’oiseaux, qui les enregistre depuis 33 ans. C’est l’écoute d’un disque 45 tours qui, à l’époque, créa le déclic en lui : « J’ai rencontré l’auteur des enregistrements. Il était chez Renault. Après deux heures de discussion, je savais ce que je voulais faire de ma vie. »
Vive la technique ! - Cette révélation coïncide plus ou moins avec l’apparition des magnétophones portables. Ainsi, Jean-Claude Roché a pu noircir ses premières bandes en arpentant les pays méditerranéens en tous sens. Aujourd’hui, une trentaine d’années plus tard, il a parcouru presque toute la planète. « Les premières années, je me promenais avec 80 kilos de matériel, se souvient-il. Aujourd’hui je n’ai plus qu’un kilo et demi dans mon sac. » Les progrès techniques lui permirent aussi d’obtenir une plus grande qualité de résultat. Les magnétophones à bandes n’étaient pas adaptés pour les fréquences aiguës des oiseaux et des insectes. En revanche le numérique donne pleine satisfaction. Toutefois, Jean-Claude Roché  avoue dans un sourire qu’il n’aurait jamais cru pouvoir vivre un jour de ses enregistrements d’oiseaux. « C’est l’apparition des cassettes qui offrit à chacun la possibilité de partir avec un baladeur sur le terrain pour comparer les chants enregistrés avec ceux de la nature. J’ai réalisé deux cassettes de ce type au milieu des années 80. Ce fut le début du succès. » Que de chemin parcouru depuis ces premières productions ! Aujourd’hui, le label Sittelle présente un catalogue d’une centaine de titres. Les chants de la nature sont une matière sonore très recherchée pour les bruitages, la relaxation ou encore l’apprentissage pédagogique.
Mille espèces d’oiseaux - Sur le terrain, il lui arrive parfois de partir avec des bergers, qui connaissent très bien les oiseaux car ils ont le temps de les écouter. Les ornithologues de tous les pays sont aussi souvent ses compagnons d’errance. En trente ans, Jean-Claude Roché a enregistré environ 1 000 espèces d’oiseaux sur la planète. Il reste encore 9 000 chants à immortaliser… « Je suis allé partout sur la terre. J’ai enregistré toute la faune ornithologique d’Europe. Ailleurs, je fais un choix en fonction des milieux où je me rends, très souvent les parcs nationaux. Je découvre toujours plus d’oiseaux où il y a très peu d’humains. J’ai même retrouvé en Martinique, grâce à leur chant, deux espèces prétendument disparues. En revanche, j’ai enregistré des ambiances en forêt de Malaisie qui n’existent plus aujourd’hui. » A chaque voyage, Jean-Claude Roché constate que l’environnement évolue. En Europe il a enregistré de nouveaux arrivants comme la tourterelle turque ou le pic noir. Malheureusement, parallèlement il déplore une raréfaction des espèces de canards.
Une chasse sans affût - La chasse aux sons s’effectue selon une méthodologie assez simple. C’est le temps passé sur le terrain qui est la meilleur expérience. Jean-Claude Roché se balade en dirigeant son micro parabolique dans tous les sens, un casque sur les oreilles et un magnéto DAT en bandoulière. Quand il perçoit un chant intéressant, il s’arrête ou essaye de s’en approcher. L’affût est une technique qu’il ignore. Une fois l’enregistrement terminé, débute le travail de studio qui consiste à classer, filtrer en supprimant tous les bruits parasites, avion ou route par exemple. « Les enregistrements étaient plus facile à réaliser il y a trente ans que maintenant à cause du développement de la pollution sonore et de la destruction des milieux. S’il faut reconnaître qu’en Europe, les espèces forestières se portent bien car la forêt progresse globalement, en revanche pour les milieux humides c’est la catastrophe à cause de la chasse et de la pression industrielle. Je ne peux que très rarement enregistrer des oiseaux de ces milieux puisqu’ils n’existent pratiquement plus. » Ensuite viennent le montage et le mixage réalisés en fonction du résultat que l’on souhaite obtenir : enregistrement pédagogique, ou musical. La passion de Jean-Claude Roché a fait germer des vocations parmi la centaine de stagiaires qui est passée dans son studio, perché à mi-pente au cœur du Trièves entre Dévoluy et Vercors. D’autres prendront ainsi sa relève pour continuer la quête sonore d’une nature sans cesse en mouvement.
Bruno AUBOIRON – POUR NOS JARDINS