« L’ambassadrice de la vraie chanson française » par Le Monde de la Musique

Paradoxale Marie Dubas ! Tellement enracinée dans le XIXe siècle et en même temps tellement moderne ! Certes, en pleine montée du swing, elle se fait l’ambassadrice de la vraie chanson française (Vive la chanson française), qu’elle préfère faubourienne et grivoise. Mais elle touche à tous les registres : de l’opérette à la chanson folklorique (Son voile qui volait) en passant par l’art des diseuses (hérité d’Yvette Guilbert), la mélodie (Les chansons de Monsieur Bleu) et la comédie (où elle fit l’apprentissage de la scène). Elle repousse toutefois les facilités de la romance, se préférant comique (Le Tango stupéfiant) ou franchement (mais rarement) dramatique (Mon légionnaire et la terrible prière de Charlotte). Perfectionniste comme nulle autre, douée d’une présence scénique qu’elle entretenait par un travail permanent, elle n’hésitait jamais à se remettre entre les mains d’un chorégraphe et d’un professeur de chant. C’est ainsi qu’elle fit entrer la pure tradition française dans l’ère moderne, s’imposant en modèle à la jeune Edith Piaf. Hélas, elle avait la plus grande méfiance pour le disque, et cette intégrale tient en quarante-sept titres. Certes, il s’agit ici d’une intégrale relative, et les amateurs d’exhaustivité se reporteront à la collection Chansophone. On saluera cependant la présence ici de huit inédits, dont le poignant Ce soir, je pense à mon pays, enregistré à Lausanne au Printemps 1944, et cinq plages d’un concert de novembre 1942 retransmis par la Radio Suisse romande qui témoignent de la qualité de ses prestations. Franck BERGEROT – LE MONDE DE LA MUSIQUE