« Un fougue sans faille » par Jazz Classique

Quinze ans à peine et déjà une intégrale… Voici le coffret des trois premiers enregistrements de Latcho Drom, réunis sous le titre assez ambitieux de « La légende du swing manouche ». Trois années, trois disques, et finalement trois moments très différents de cette formation créée et conduite par le guitariste Christophe Lartilleux. 1994 : « La sorcière ». C’était le temps de la tradition pure et dure. Le jeune quartette faisait bien sûr référence au mythique Quintette, à commencer par le violon à la Grappelli de Charles Roman. La filiation se voulait pourtant sans plagiat car, si l’esprit, les thèmes et les riffs de Django Reinhardt traversent la musique de Latcho Drom, les musiciens (Christophe Lartilleux en tête) en donnaient leur propre interprétation. 1996 : « La verdine ». On prend les mêmes et on ne recommence pas. Charles Roman, Jean-François Ruiz(g) et Joël Trolonge (b) sont toujours là mais, si le titre de l’album indique clairement la référence à la tradition manouche, ce sont leur origines et leurs influences musicales qui se rencontrent dans ce second : musette, bop, latin, musique d’Europe de l’est, hommage aux maîtres et compositions originales tracent la route à cette « Verdine », sans renier le moins du monde la pompe manouche et le swing au coin du feu (de camp). Un disque plus personnel donc, où l’on se soucie de la mélodie et de l’émotion, où l’on oublie pas la lettre et l’esprit de Django (témoin ce Rythme futur joué dans les règles de l’art). 1997 : « Live in Madrid ». Du Latcho Drom historique, seuls Lartilleux et Trolonge ont fait le voyage. A leurs côtés, Alain Hakoun (guitare rythmique) et Malik Richeux (violon). Est-ce l’Espagne et ses parfums gitans (la longue introduction de Bossa Dorado en est imprégnée) ? Est-ce le public chaleureux du Café Central de Madrid ? Est-ce la présence de ce formidable violoniste ? Toujours est-il que la musique s’électrise soudain, que les doigts de Lartilleux trouve cette étincelle qui court les codes des plus grands guitaristes manouches… Malik Richeux enflamme les standards avec une inspiration et une fougue sans faille… Il se passe quelque chose lors de ce concert, qui dépasse le talent et le professionnalisme, comme parfois lors des concerts, comme parfois dans un récent enregistrement de jazz… 2008 : on referme le coffret avec l’impression d’avoir pas mal voyagé pendant presque trois heures… La signification de « Latcho Drom » ? Bonne route… Dominique PERICHON – JAZZ CLASSIQUE