« Le coffret est magnifique, autant dire précieux » par Le Blog ministre la culture

« Superbe Jean-Toussaint Desanti ! Superbe parole, toujours dans l’expression la plus juste du penser, toujours en quête du mot exact, de la pensée vivifiante, du partage le plus confiant mais dont il sait qu’il faut le soutenir sans cesse de peur qu’il ne se dérobe, et de fait, d’un partage auquel il ne cesse de porter le secours d’une intelligence claire et généreuse.
Superbe parole offerte ici dans une série d’exercices singuliers, si divers, si distincts les uns des autres, qu’il s’agisse d’éclairer sa trajectoire humaine ou sa trajectoire intellectuelle, voire d’aborder ces idéalités mathématiques dont il se fit une spécialité. Superbe parole d’un philosophe au travail de penser à chaque instant de ces entretiens, creusant à tout moment ce qu’il en va de penser, qui nous change des rhéteurs trop habiles et si pressés de livrer leur faconde sans relief. Superbe leçon donnée par cet homme méditant sa vie, ses amitiés, son chemin. Superbe grain d’une voix accomplie, posant avec sérénité ses constructions, élevant sans hâte les concepts d’un entretien qui devient à l’oreille un véritable laboratoire de pensée, d’un penser placé toujours dans l’horizon de cet autre à qui Desanti veut s’adresser, qu’il veut toucher plutôt que convaincre, quand bien même sa présence ne serait que différée. Desanti toujours soucieux de cette place vide pourtant dans le studio d’enregistrement, qu’occupe à peine son interlocuteur qui ne saurait réduire l’adresse à son seul questionnement. Un Desanti gourmand, étonné, jamais superficiel, ni désabusé, ni accoutré de ses seules marottes. Superbe philosophe racontant sans pareil sa Corse, convoquée pour la plus pudique des confidences dont n’échappera rien du trivial habituel à ce genre d’exercice, mais juste l’énigme d’un souvenir que l’on sent encore inscrit dans la trame d’une blessure jamais refermée et dont il ne sait exprimer la mesure qu’en corse. Confidence d’un bout de lèvres évoquant à peine ces gens qui sciemment font le mal et dont il garde à tout jamais la mémoire. Superbe leçon d’humanité, la seule que l’on voudrait retenir au fond, d’un coffret pourtant riche d’idées lumineuses, comme lorsqu’il s’agit pour lui d’expliciter sa venue à la philosophie, un texte de Bergson un jour le frappant de plein fouet et décidant de son devenir. Superbe témoin enfin, des temps de résistance, racontant ses engagements, ses amitiés, Clavel, Merleau-Ponty, Sartre, la cave de Normal’ sup pendant la guerre, et la découverte de Cavaillès enfin, et des mathématiques. Le coffret est magnifique, autant dire, précieux, précieux du témoignage d’un homme qui n’aura eu de cesse de se présenter simplement à ses semblables, sans rien concéder à son exigence d’humanité ou de pensée et qui, de cette passion déposée en lui que fut la philosophie, a su faire une passion qu’il dépose en nous. »
Par Joël JEGOUZO – BLOG MINISTRE DE LA CULTURE