« Le Patriarche bienveillant du blues belge » par Blues Magazine

« De son véritable état civil Daniel Droixhe, Elmore D s'avère un drôle de paroissien (et ce même pour un pays aussi singulier que la Belgique). Non content de s'avérer un militant wallon constamment entouré de musiciens flamands (voire français), le bonhomme est manifestement affecté d'un syndrome aigu de dédoublement de personnalité. N¬é à Herstal (arrondissement de Liège) le 26 avril 1946, il est un académicien et un linguiste de renom. Licencié en philologie romane, il défendit en 1974 une thèse de doctorat intitulée "La linguistique et l'appel de l'histoire (1600-1800)", dont le sous-titre explicitait le propos: "Rationalisme et révolutions positivistes" (Droz, Paris, 1978). Dans la foulée, il créa la Société d'histoire et d'épistémologie des sciences du langage.... Ces doctes occupations n'ont pas empêché notre érudit de se consacrer à sa seconde passion: la pratique et la célébration d'un blues à la fois fruste et sophistiqué, tout autant soucieux d'un patrimoine remontant à Memphis Minnie et au Memphis Jug Band, que de l'interprétation de ses propres compos en dialecte picard...! Son dernier (et sixième) album à ce jour ayant été publié chez Frémeaux en 2013, cette rétrospective de ses cinq précédentes livraisons offre donc au complétiste l'opportunité d'embrasser l'oeuvre musicale du bonhomme dans son ensemble. De "Basse-Moûse Blues" (1997) à "Grandiveûs" (2008), nous est donc donné à mesurer l'évolution qui le mena de covers inspirées de Sleepy John Estes, Big Bill Broonzy, Skip James et Son House, à une forme pour le moins inédite de blues en picard dans le texte (dont un livret de 44 pages propose à point nommé la traduction simultanée). Patriarche bienveillant du blues belge, Elmore D dessine au fil de cette anthologie une figure évoquant celles de Cyril Davies ou Alexis Korner au pays des Trappistes. »
Par Patrick DALLONGEVILLE – BLUES MAGAZINE