« L’exil pour éternel refuge » par Le Figaro

Rebetiko. C’est la musique qui a emmené Tony Gatlif en Grèce pour son nouveau film, « Djam ». « Je l’ai découverte en 1983, quand je suis allé présenter mon film ‘Les Princes en Turquie’, dit-il, ça a été un choc parce que j’y ai retrouvé la même rage que dans le flamenco et le blues. C’est une musique née dans la communauté grecque de Turquie, quand les Grecs furent chassés, en 1922. Une musique de révoltés contre l’ordre imposé. Ils ont inventé en prison ce petit instrument, le baglama. Ils aimaient aller en prison parce que c’est là qu’ils pouvaient chanter ensemble. Et Il y a des textes magnifiques. Ils ont emporté leur musique avec eux, et je l’ai retrouvée à Athènes, dans un cabaret du marché de Plaka. Les clients connaissaient tous les morceaux et chantaient avec les musiciens. Depuis, après le flamenco et la musique arabe, cela faisait partie de mes plans d’aborder le rebetiko. » C’est la musique de l’exil, « quand on part avec une valise sans rien de son pays ». Rien ne peut toucher davantage le cinéaste kabyle et gitan, qui a encore devant les yeux cette vision d’enfance : « Le port d’Alger dans un chaos que je voyais sans comprendre : tout le peuple pied-noir quittant l’Algérie… Un choc pour mes 12 ans. Quand on a tourné Djam, c’était les Syriens qui débarquaient à Lesbos. » Il n’en a jamais fini avec l’exil.
Par Marie-Noëlle TRANCHANT – LE FIGARO