Apprendre à l’écoute de ces faces historiques est sans fin par Jazz Hot

C’est déjà le troisième coffret de ce projet dont nous avons précédemment signalé la méthode. Nous ne pouvons ici revenir sur la genèse du style de Louis Armstrong que nous avons abordée par ailleurs dans Jazz Hot à l’occasion d’un supplément Internet (Early Louis) en décembre 2005. L’intégralité du texte sera intégrée à la version 2 du CD-rom « Trompette, Cuivres & XXe siècle ». Disons, après Max Kaminsky, que tout convergea sur Louis pour donner Armstrong. S’il a pris à King Oliver (idole revendiquée ), il vient aussi de ses nombreux professeurs (cf. version 1 de « Trompette, Cuivres & XXe siècle »), mais aussi de Freddie Keppard, Bunk Johnson, Kid Rena, Buddy Petit, sans parler des écoutes de disques et de la pratique des musiques les plus variées. Il y a bien sûr ici quatre chefs-d’œuvre (« Heebie Jeebies », « Cornet Chop Suey » - orthographe de l’étiquette  du Okeh  8230 reproduite p.36 du livret –« You’re Next », « Big Butter& Egg Man ») et bien plus encore. Du reste toutes les faces en hot five sont pour nous des réussites. Pour Louis Armstrong, le principe de sélection (sectarisme) est un peu vain. A part Fletcher Henderson toujours non complètement « jazz intégré », le reste est un tout : les Blue Five de Clarence Williams, les accompagnements de chanteuses et les premières faces en Hot 5. C’est une même esthétique très imprégnée du feeling blues, que les Anglo-saxons ont qualifié de « classic jazz ». Les faces en hot 5 ont considérablement influencé les musiciens de La Nouvelle-Orléans encore au pays ! A l’époque tous étaient à l’écoute (George Lewis, Percy Humphrey, Kid Howard, les jeunes Red Allen et Guy Kelly). Sans Louis (déjà loin) le jazz au pays n’aurait pas été ce qu’il deviendra. Ailleurs d’autres aussi sont à l’écoute (Jaabo Smith, Reuben Reeves, très bien armés techniquement). Louis aura vite des copieurs (Oliver Cobb, etc.). Nous ne reproduirons pas içi la énième récitation sur « Heebie Jeebies ». Le jazz aurait beaucoup gagné à bénéficier d’une approche musicologique plutôt que ces complaisances pour l’anecdote, plus ludiques, plus « commerciales ». Comme le jazzfan chevronné possède déjà toutes ces faces indispensables du Hot 5 et que le néophyte a là une occasion simple de les acquérir, faisons d’autres constatations, Louis Armstrong a trouvé un style personnel, très volibile, avec une sonorité superbe, mais il est versatile et peut encore jouer autrement comme le 10 octobre 1925 dans cette version du « Santa Claus Blues » à trois voix (Cl. Williams, Cl Todd, Eva Taylor) bien dans le goût de l’époque et pas très jazz. Le « TNT » d’E.Schoebel par L’Orchestre Fletcher Henderson (21 octobre 1925) permet d’entendre le jeu très swing et à maturité de Louis Armstrong, puis celui, distingué et « vocal » de Joe Smith qui s’est trouvé une façon de faire avant l’influence ravageuse du Louisianais. La pulsation rythmique de ces solos est bien différente. Le contre-chant et surtout l’appel-réponse (procédé pas du tout spécifique au jazz) des faces gravées avec les chanteuses sont pour Louis Armstrong, comme pour les autres souffleurs, une « école » de l’improvisation  et de l’apprentissage du style vocal pour les vents, sur tempo paisible (propice au travail de la sonorité) et sur trame harmonique simple (souvent le blues) qui permet aussi une approche intuitive, au feeling. L’utilisation de la sourdine (straight) pourrait être moins une nécessité expressive qu’un moyen d’obtenir une prise de son équilibrée, car le jeune Louis avait volume et puissance aux côtés de ces dames. Apprendre à l’écoute de ces faces historiques est sans fin. Michel LAPLACE – JAZZ HOT