« Bird en majesté au plus haut de son talent » par Djam

« On est parti dans le bop avec les conseils des parents. Ils ont pas tenu devant l'anthologie. Faut être juste. On raconte toujours trop le même bop ; pas faux mais un peu à côté de ce qu'on peut entendre dans ces trois disques. Radiophoniques ou live, des titres de quinze minutes contre les trois-quatre que donnaient les studios de l'époque. Des chorus longs comme une cuite de Parker. Tout ce que firent Bird et ses potos, trop rarement audibles sauf dans ce genre de mine d'or : ça va vite, ça cite à tour de bras, ça rythm changes à donf, ça cogne dur (un violent ''How High the Moon'') puis ça tire les larmes (''Easy to Love'' par exemple avec une formation toute pétée de violons et hautbois). Le grand cirque du bop. Du coup on se demande... Dans l'entretien qu'il nous avait accordé il y a près de six mois, Patrick Frémeaux pensait ces intégrales pour les fous capables d'accorder plusieurs dizaines d'heures d'écoute dans leur vie à Armstrong, Duke, et donc Parker. Et faut avouer que l'obsessionnel en birdologie y trouvera plus que son compte sans crainte d'overdose : mastering princier, dossier toujours bien roboratif et précieux d'Alain Tercinet, et surtout, Bird en majesté au plus haut de son talent. Tout cela va sans dire. Mais il y a aussi de l'oecuménique : où retrouver des enregistrements quasi inédits de Mingus à moins de trente ans, dans sa collaboration avec Bird commencée en 1950 et à la documentation lacunaire ? Et Max Roach ? Chet ? Walter Bishop ? Tout le cœur vibrant d'un bebop en ébullition à la discographie compliquée vue d'aujourd'hui pour un public habitué à penser en termes d'albums. Les oubliés aussi, avec du génial : le pianiste Dick Twardzik sur un ''Cool Blues'' d'anthologie avec Mingus. Qui lui n'aimait pas Dick, mais Bird si : ils écoutaient du Bartok ensemble. Tercinet raconte ça mieux que personne. Je me tais. Entendre les terrains mouvants sur lesquels Parker et consorts ont édifié la plus grande révolution de l'histoire des traditions jazz - déso, Ornette. Les entendre vraiment, dans toute leur ampleur. Plaisir ! Et donc le conseil de se lancer dans un bout de cette intégrale, où l'oiseau vole comme rarement on peut l'entendre voler, toutes les teintes de son plumage. Libre, quoi ! »
Pierre TENNE – DJAM