« Coffrets réellement exceptionnels » par Écouter Voir

Si l’arrivée du CD a immédiatement été reconnue comme un progrès en ce qui concernait le son et l’utilisation matérielle, on a par contre longtemps déploré la médiocrité et l’insuffisance tant des jaquettes que des documentations jointes, ceci en raison bien sûr de ce nouveau format si petit et si inhabituel. Petit à petit les éditeurs ont trouvé (ou pas) des solutions. Quelques-uns aujourd’hui ont maintenant totalement intégré, « digéré » et dépassé les problèmes de la petite dimension. On l’a déjà dit, Frémeaux & Associés est un des meilleurs et des plus habiles en ce domaine. Sans faire d’objets hétéroclites aux dimensions à problèmes pour le rangement, cet éditeur a su trouver l’art de jaquettes belles qui « accrochent » immédiatement sans être jamais racoleuses ni vulgaires. Les documentations jointes offrent toujours le plus vif intérêt et sont parfois d’une richesse d’information exceptionnelle. Pourquoi ce préambule (qui ne relève ni de la publicité ni de la convention du genre « je t’envoie des services de presse, tu me fais un bon papier ») ? Parce que sont sortis simultanément deux coffrets réellement exceptionnels, tout à fait originaux et dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils ne sont pas les produits d’une politique bassement mercantile, à savoir une Anthologie Sonore du Socialisme (en 4 CD) et une Bible (une sélection) en 10 CD. Deux éditions aux mérites totalement différents qui d’emblée emportent l’adhésion, même si à l’usage on ressent quelques insatisfactions. Insatisfactions ou réserves mineures qui ne doivent en rien retarder l’acquisition de ces nouveautés à considérer comme des achats prioritaires. Entreprise audacieuse que de mettre d’un coup 10CD de la Bible sur le marché. Audacieuse et totalement réussie. Sur la réalisation de l’ensemble les remarques sont exactement à l’inverse de ce que l’on a pu lire sur l’Anthologie sonore du socialisme. Enregistrement magistral, mais livret joint bien mince, bien succinct, même s’il dit l’essentiel et replace chaque extrait dans son contexte. Peut-être (probablement même) des exégètes ou des docteurs en théologie chipoteront-ils sur les choix, mais c’est là une spécialisation qui n’est pas du domaine du discothécaire. Par contre, ce dont il faut témoigner après l’écoute, c’est de l’excellence des lecteurs. Sobriété et clarté. Jamais on n’est lassé ni ennuyé. L’articulation, manifestement travaillée, est parfaite. Et qu’on se rassure quant à la traduction choisie qui est celle de Lemaistre de Sacy du XVIIe siècle. Malgré l’âge de cette version, le texte est parfaitement accessible, sa compréhension est immédiate et ne pose absolument aucun problème. Malgré la conception neutre, refusant toute théâtralité, de la diction, il faut assurer clairement les auditeurs réticents que cette écoute est passionnante. Est-ce iconoclaste d’affirmer que lorsqu’il s’agit de récits historiques, il arrive qu’on oublie qu’il s’agit de la Bible. On est captivé, parfois passionné comme s’il s’agissait d’un livre d’aventures, et même lorsqu’on connaît ces épisodes de loin, de très loin, on attend la suite avec impatience. Une fois de plus, on se dit que ce n’est vraiment pas un hasard si scénaristes et cinéastes y ont trouvé leur inspiration. Précisons que la lecture ne se fait pas à la façon d’une fausse pièce de théâtre, où l’on dirait une phrase, le second une autre, etc. Il y a d’abord un seul lecteur par disque pour les cinq premiers CD, ensuite un lecteur par moitié de disque pour les cinq autres. Ces cinq comédiens sont vraiment très bien, mais il en est deux qui sont encore mieux que bien : Jean-Pierre Michael et Michel Duchaussoy qui sont tout à fait impressionnants, comme venus d’ailleurs, alors que les trois autres restent nos égaux, c'est-à-dire humains. Réalisation marquante, qu’on peut écouter avec intérêt même si l’on a pas d’inquiétude métaphysique ; Un seul problème pour le discothécaire : le prêt, non pas des disques qui sont déjà dans des boîtiers séparés, mais de livret. Même mince, il est bien fait et indispensable pour chaque disque. Les commentaires y sont brefs, mais ils existent et sont souvent éclairants. Dans les cas semblables, on prête généralement le livret avec le premier disque et tant pis pour les autres. On y sera à nouveau obligé ici, mais c’est dommage. Petite restriction de détail qui n’empêchera d’acheter ce coffret dont le prix d’environs 600 F est très raisonnable. Dix grandes heures de bonheur, d’évasion ou de sérénité. Et même de divertissement. Eh oui, le saviez-vous, la Bible, c’est parfois aussi très amusant.
Gérard FOREAU – ÉCOUTER VOIR