« Comme toujours chez Frémeaux, c’est un spécialiste, qui s’y colle » Par Jukebox

Voici une suite au répertoire d’avant 1963 de Claude Nougaro, à titre personnel et surtout auprès de ses confrères (double, 46 titres). Comme toujours chez Frémeaux, c’est un spécialiste, Olivier Julien, qui s’y colle, là où il s’agit, dans un but « définitif », de ne rien omettre sur un sujet donné, en plus d’un livret éclairant. A son avènement en 1962, l’originalité de Claude Nougaro est flagrante : style de chanson-jazz convaincant, qui réunit les tenants de la syncope et de la rime ; singulière inspiration d’auteur, alliant poésie et jeux linguistiques ; parlé-chanté inimitable, de la « diversité » parmi les accents exotiques, parigots ou neutres de l’époque ; enfin morceaux forts et à succès. Comme quoi en 1962, au plus fort de la vague rock-twist, la porte reste ouverte à la java-jazz. D’ailleurs, Nougaro est diffusé sur « Salut Les Copains ». La sélection démarre par les neuf titres de son premier 25 cm Philips de 1962, qui est sans doute son meilleur album, avec quatre de ses standards réunis sur le super 45 tours associé. Soit « Une Petite Fille » (un amour-pour-suite parfaitement scénarisé), « Le Cinéma » (y a-t-il une autre aussi belle ode au 7e Art ?), « Le Jazz Et La Java » (élégie au métissage musical), « Les Don Juan » (ode à la sensualité). Même si on peut penser que Nougaro est mieux servi par lui-même, la suite présente des interprétations de ses œuvres, soit reprises, soit proposées, et ce dès 1955. Encore une fois, il faut établir en parallèle avec Serge Gainsbourg (et Georges Moustaki) : pour exister (et vivre) les deux, ne s’envisagent pas comme interprètes, sont à leurs débuts dans la sphère des auteurs et/ou compositeurs pour les artistes en place, parfois les mêmes (Philippe Clay). Le succès venu, Claude Nougaro, d’une production plutôt parcimonieuse, et qui ne sera pas une machine à tubes, arrêtera cette activité, tandis que Gainsbourg, prolixe, la poursuivra jusqu’à la fin. Les deux chantres majeurs de Nougaro sont Philippe Clay (qui a pourtant refusé « Une Petite Fille », 8 titres ici, dont 7 d’un 30 cm en public de 1962) et Marcel Amont (5 dont 3 sur scène tirés de « Récital 1962 »). Mais aussi Yves Montand (« Le Jazz Et La Java »), Pia Colombo, Nicole Croisille (l’adaptation « Allons-y Gaiement »), elle qui le chantera beaucoup par la suite, Jean-Jacques Debout, les Rockets avec Irène Hilda (le twistant « Peau D’Ane ») … Selon la pratique de l’époque, ses succès sont repris par des orchestres, ici Jacques Hélian, Rauber & Goraguer, Marcel Azzola, Emil Stern, Jimmy Walter… La famille Legrand est partie prenante. D’abord Christiane avec trois titres d’un même super 45 tours fin 1962 et son influent frère avec le EP « Michel Legrand Se Joue Claude Nougaro », lui l’ami-compositeur qui a fait entrer le Toulousain chez Philips, pour son plus grand bien. Notons que « Une Petite Fille » a aussi été entonné par Lucky Blondo, mais sur un échantillon réalisé pour « Dans le vent » de Michel Cogoni sur Europe N°1.
Par Pierre LAYANI - JUKEBOX