« Des petits chef-d’œuvres » par Jazz Mag / Jazz Man

« Après un recueil voué aux précurseurs du genre, Frémeaux consacre cette nouvelle anthologie aux années de cristallisation de la bossa nova, en prenant soin de rester en deçà du succès quelle connaît aux Etats-Unis et ailleurs à partir de 1962. La « Sainte Trinité » qui en émerge ne pouvait réunir que le compositeur Tom Jobim, son partenaire poète et diplomate Vinicius de Moraes et leur interprète suprême, l’ultra perfectionniste João Gilberto (auquel sont réservés 18 titres sur 48). Mais à l’image d’un « mouvement » qui n’en était pas un, tant les apports individuels y concouraient, on trouve ici bien d’autres noms, liés ou pas au groupe nébuleux qui avait pour base en 1957 l’appartement de Nara Leão à Copacabana. Ce sont notamment Carlos Lyra, artisan clé des débuts de la bossa (Maria Ninguém), le guitariste Luiz Bonfa, Silvia Telles, le compositeur Newton Menddonça (coauteur avec jobim de perles comme "Desafinado", "Meditação" ou "Samba de Uma Nota So") ou le tandem Ronaldo Bôscoli-Roberto Menescal ("O Barquinho"). C’est aussi le duo américano-brésilien formé par Bud Shank (as) et Laurindo Almeida(g), bien représenté ici en 1959 mais qui avait déjà réussi un rapprochement remarquable entre jazz californien et Brésil en 1953. L’anthologie ne suit pas l’ordre chronologique, mais de "Chega da Saudade" à "Insensatez", la « Trinité » livre plusieurs de ses fleurons à travers la voix et la batida de guitare de Gilberto. Si la présence de Vinicius s’inscrit dans la tendre irrévérence des paroles chantées par ce dernier, Jobim assure souvent la direction musicale et intervient parfois au piano ("O Amor Em Paz"). Des chanteurs sambistes comme le Bahianais Dorival Caymmi avaient déjà traité des thèmes chers à la bossa, mais on s’étonne encore des petits chef-d’œuvres de brièveté qu’elle a fait éclore. »
Par Philippe BAS-RABERIN – JAZZ MAG / JAZZ MAN