Excellente sélection par le Monde de la Musique

« Né en 1891, Georges Guibourg est un homme de transition. S’il fit entrer un jazz (ainsi appelait-on les nouveaux orchestres avec batterie) dès 1925 au café-concert, son esthétique de référence reste pourtant celle du XIXe siècle : plus polka (au mieux plus fox-trot) que swing, il méconnaît le micro et sait se faire entendre jusqu’au poulailler grâce à une diction aisément datable (mais d’autant moins datée qu’elle n’est jamais forcée). C’est dans ses textes qu’il prend ses distances avec le siècle précédent. Débutant vers 1908 avec un répertoire de romances, opérettes et chansons réalistes pour ne pas faire honte à ses parents (c’est pour les épargner qu’il prit le pseudonyme de Georgius), il prit celui-ci en horreur en même temps qu’il en découvrait les mécanismes. Aussi était-il tout désigné pour en réaliser la plus exacte parodie. Renonçant aux accessoires et aux effets de la tradition satirique et comique, habillé d’un simple frac noir puis d’un habit blanc, il sut captiver son auditoire par une conception théâtrale de la scène et du geste. Parolier de plus de 1 500 chansons, il combinait à son étourdissante performance scénique une imagination délirante. Le rythme et la virtuosité avec lesquels il enchaîne absurdités, calembours et allusions grivoises l’entraîne bien au-delà de l’idiotie ordinaire de la chanson humoristique d’époque. Ainsi comprend-on qu’il ait pu être désigné comme le Jarry de la chanson et qu’on y voie encore l’ancêtre de Bobby Lapointe. L’excellente sélection qui nous est ici proposée dans un ordre dont la logique nous a échappé permet, entre autres, de retrouver des titres qui n’ont jamais quitté la mémoire collective : Au lycée Papillon, Le Cid,, Mon heure de swing, La plus bath des javas ou Sur la route de Pen-Zac, qui connut une seconde carrière avec les Charlots. » Franck Bergerot – Le Monde de la Musique