« L’âge d’or du swing musette parisien » Par Django Station

« Avec Gus Viseur et Jo Privat, Tony Muréna fait partie des grands rénovateurs de l’accordéon jazz. Sans doute moins virtuose que Viseur, et moins tzigane que Jo Privat, il n’en fit pas moins une brillante carrière de jazzman, carrière hélas un peu occultée par ses derniers enregistrements, plus nombreux, cédant à la mode du musette populaire. En revanche, la copieuse sélection en 3 CD brillamment réunie ici par Francis Couvreux ne propose que du bon ! Centrée sur les années 39-49, sorte d’âge d’or du swing musette parisien, elle permet de (re) découvrir dans l’ordre chronologique le meilleur des titres de Tony Muréna. Bien plus qu’une énième compilation d’accordéon swing, le coffret s’accompagne d’un généreux livret de 24 pages (français/anglais) retraçant la vie et l’œuvre du musicien : photos rares parfois issues de collections privées et références d’enregistrement et d’intervenants (quand elles sont identifiées) complètent le bel objet. Au delà de l’exceptionnel accordéoniste au phrasé léger et élégant, au style sensible, souple et créatif qu’il était, Muréna fût aussi un remarquable compositeur. On connait bien ses célèbres valses passées depuis longtemps à la postérité : Passion et Indifférence, co-signée Joseph Colombo (présentées ici dans deux versions). Mais c’est oublier un peu vite Nostalgia Gitana (avec Péguri), La Guigne (en hommage à la femme de Django), La zone, Bouclettes, autres poignantes valses en mineur, ou encore Pépée, charmante fantaisie majeure, toutes aussi magnifiques que moins connues. Il composa également beaucoup de swings originaux : Etude swing, l’étonnant Pacific qui rappelle par endroit le Rythme futur de Django, Swing promenade, Ciro’s, Milk bar... peut-être encore plus que Viseur, qu’on peut par ailleurs entendre ici croiser le fer avec notre accordéoniste sur quelques précieuses pistes issue d’une session de 1948. Enfin, l’intérêt d’écouter aujourd’hui Tony Muréna vient également de la qualité de ses accompagnateurs. Adoptant souvent la formule de type "goodmanien" avec piano et clarinette, on peut entendre à ses côtés les meilleurs musiciens jazz de son époque : Georges Marion, Roger Paraboschi, Pierre Fouad (batterie), Jacques Petitsigne, René Larguier (contrebasse), Pierre Gossez, Hubert Rostaing (clarinette), Michel Ramos, Boris Sarbrek (piano), Didi Duprat, René Duchaussoir, Lucien Gallopin (guitare). Puisant également largement à la source gitane entre 1939 et 1943 (les années Odéon), il s’attachera, tout comme Viseur et Privat, les talents des frères Ferret : Sarane, Matelot et surtout Baro qu’on peut entendre largement sur cette compilation. Leur accompagnement (tout comme celui de Duprat) est constamment exemplaire (les valses ne seraient pas aussi mémorables sans eux !) et fort heureusement, une place leurs est souvent réservée lors des chorus. Le court solo de Baro sur Indifférence fait aujourd’hui partie du patrimoine", auquel on ferait bien de rajouter également ce lui de Gitan swing ou de Pacific ! Bref, voilà donc quelques bonnes raisons de se procurer cet excellent triple album magistralement édité chez Frémeaux et qui ressemble fort à la compilation définitive de l’ami Muréna ! »
Par DJANGO STATION