La seule présence du violoniste suffit à valoriser chacun des morceaux par Jazz Mag-Jazzman

Qu’il y ait eu pour Stéphane Grappelli une vie avant et après Django, on l’oublie trop souvent tant, pour le grand public, leurs noms sont étroitement associés. L’un des mérites de cette compilation est, justement, de prouver avec éloquence que le violoniste, pianiste à l’occasion, ne vécut nullement dans l’ombre du génial Manouche. Leurs carrières respectives se croisèrent en 1934. Ils naviguèrent de conserve jusqu’à la guerre pour se retrouver ensuite, mais épisodiquement, Hubert Rostaing ayant intégré le Quintette du HCF pendant que Stéphane menait sa barque en Angleterre. C’est ainsi que Django n’intervient que dans quelques plages de cette sélection. Avec le brio que l’on devine – qu’on écoute Ol’Man River enregistré pour la radio fin 1947. Le premier disque, qui s’ouvre sur Fit As A Fiddle où Stéphane est associé à Michel Warlop chez Grégor et ses Grégoriens, fait donc une large place à la période londonienne. Le violoniste y est associé à des formations diverses, celle d’Arthur Young avec la chanteuse Beryl Davis, de George Shearing (la plus intéressante), à un grand orchestre à cordes ou à un quintette dont il était le leader (Stéphane Grappelly (sic) And His Quintet) et auxquels participait Shearing. Une curiosité, les faces gravées le 18 mars 1941, en sextette, pour Witley Court Music Box, sortes de V-Discs destinés à la RAF et jamais commercialisés. Quant au second CD, outre les brèves retrouvailles avec Django, il présente Stéphane dans le quartette du pianiste Jack Diéval, animateur de l’émission de radio « Jazz aux Champs-Élysées », ou celui du guitariste Henri Crolla auprès de qui il lui arrive de tenir le piano (Marno). La tentation des grands ensembles n’a pas disparu : à preuve le Nuage gravé en 1956 sur fond de cordes et, l’année suivante, la participation au big band d’Eddie Barclay dont l’arrangeur n’était autre que Quincy Jones. S’il est hors de question d’établir une quelconque hiérarchie qui serait par trop subjective, une constatation s’impose : quel que soit le contexte, la seule présence du violoniste suffit à valoriser chacun des morceaux. Voire à le transcender par la brillance de son imagination et ce lyrisme incisif qui lui appartenait en propre.
Par Jacques ABOUCAYA – JAZZ MAG-JAZZMAN