Particulièrement attrayant par Soul Bag

Il a fallu attendre quatre ans pour voir sortir ce troisième volume de l'intégrale Rosetta Tharpe. Pour les autres, veuillez vous reporter à SB 151 et 159. Cela nous dispensera de répéter les cris de joie et les superlatifs qui accueillirent les deux premiers volumes. Et ce n'est pas ce double CD-ci qui modèrera notre enthousiasme. A peine une sourdine sur l'allégresse quand le celesta et le quatuor vocal de James Roots s'efforcent d'engluer de guimauve Silent night et White Christmas. Il est vrai que la neige sur les champs ne donne pas grand chose de sacré à révérer. Et Sister Rosetta est surtout à l'aise dans le sacré. Elle le prouve par l'énergie de sa joie (on rit au ciel!), le swing  de ses interprétations tant vocales que guitaristiques, l'ardeur de sa foi, sa confiance dans le Rédempteur, son expressivité entraînante, sa véhémence quasi extatique. Le premier CD commence par cette exclamation impérative de Rosetta: "Listen everybody, because I'm talking to you!" On est pris, surpris ou sourit, le swing s'installe tout naturellement c'est bon. Cette guitare autoritaire et puis cette ingénuité bon enfant du chant font si bon ménage, comment ne pas aimer Rosetta Tharpe? Comme dans les premiers volumes, Rosetta s'y fait entendre en duo avec Marie Knight, mais aussi accompagnée de groupes vocaux comme les Dependable Boys (excellents), les Rosette Gospel Singers (moins convaincantes) et les nommés choristes de James Roots. Quand elle accompagne sa mère, Kate Bell Nubin, la ressemblance saute aux oreilles: c'est de madame Nubin qu'elle tient sa véhémence, mais avec plus de souplesse dans la voix et un swing plus évident. Instrumentalement, c'est toujours le trio de Sammy Price que nous préférons, quoique Sam n'y prenne aucun solo de piano. Bonne nouvelle pour les collectionneurs: le second CD offre deux enregistrements live restés longtemps inédits, datant du fameux concert "From Spiritual to Swing" à Carnegie Hall du 23 décembre 1947 : les deux derniers morceaux avec Marie Knight qu'ignoraient jusqu'à présent toutes les discos de jazz et de gospel. Et l'un d'eux, Didn't rain, est particulièrement attrayant. André FONTEYNE-SOUL BAG