« Renaissance surprenante » par Jazz In Time

On l’avait découvert au sein de Tubapack, il y a quelques années déjà et, en 1986, il avait gravé Comedy, un superbe premier album personnel en compagnie de J.M. Padovani. Ici dernièrement, on l’a retrouvé au sein de l’ONJ, sous la direction de Claude Barthelemy, mais aussi au sein du sextet de G.Marais et de l’Impossible Trio. Entre ces deux périodes, en juin 89, Michel Godard, l’un des rares spécialistes du grand tuba avec Bob Stewart et Michel Massot, enregistre Le chant du serpent, un étonnant album riche en polysémie et dédié tout entier à cet instrument de bois recouvert de cuir qui donnait la réplique au plain-chant dans les églises. Supplanté par le tuba, le serpent était, depuis la fin du siècle dernier, un instrument oublié que l’on n’entendait plus guère qu’en musique ancienne. Le présent album consacre sa renaissance surprenante. Seul pour trois thèmes (les plages 5, 7 et 10), avec sa panoplie d’instruments (serpents, mais aussi tubas et ophicléides dont les chants s’entremêlent grâce à un procédé très élaboré de surimpression) ou bien en compagnie de cinq vocalistes, qu’il retrouve pour une série de neuf duos. Michel Godard réalise une étonnante fusion entre musique ancienne, musique contemporaine, jazz traditionnel et musique populaire au parfum latino-américain (plages 3 et 4 chantées en espagnol). Usant de la voix, tantôt pour des récitatifs aux références littéraires, tantôt pour le chant ou la simple vocaliste, Godard opère un mariage très personnel entre le timbre grave de ses instruments et la limpidité vocale de Maria Contreras (plages 1, 3,4), Linda Bsiri (2, 11, 12), Catherine Dasté (6), Armelle de Frondeville (8) ou J.F. Prigent (9). Il signe sept thèmes et emprunte les autres à G. Marais, Ph. Deschepper, E. Gismonti, M. Contreras et au légendaire P. Johnson dont il reprend le Black snake Blues. Plus qu’une simple curiosité, cet album s’impose, par la variété de ses climats, comme l’une des réalisations les plus originales de ces dernières années. Il n’est pas étonnant, dès lors, que M. Godard ait l’intention de revenir prochainement à ce répertoire pour une série de concerts avec voix et instruments (il est fort probable que, pour l’occasion, M. Godard soit accompagné de Ph.Deschepper et Y. Micenmacher, ses compagnons de l’impossible Trio).
C.L. – JAZZ IN TIME