« Une sûreté rarement égalée » par Chorus

Un document. Marie Dubas nous a laissé si peu de traces discographiques que l’on aurait mauvaise grâce à chipoter sur la qualité moyenne de certaines plages de cette anthologie réunissant la totalité (ou presque) des enregistrements réalisés entre 1927 et 1945 sous labels Colombia, Pathé et Odéon. De fait, l’intérêt de cette « intégrale » est multiple. Elle nous permet, tout d’abord, d’apprécier une voix dans les conditions modernes d’écoute offertes par le compact, d’en goûter la diversité grâce à un large choix de titres jusqu’ici absents des précédentes rééditions. Marie Dubas refusait parfois la commercialisation de ses enregistrements, d’où la relative rareté de ses œuvres sur le marché. Heureusement, outre une dizaine d’inédits jamais exploités, le compilateur a eu la bonne idée d’inclure ici des extraits d’un concert (enregistré en Suisse, en 1942) où se révèle une époustouflante artiste, libérée des contraintes du studio. En quatre titres vite menés, elle nous donne un aperçu de son éclectisme, de son entrain, de son extraordinaire faculté d’expression en reprenant « Quand on vous aime comme ça » d’Yvette Guilbert ou en parodiant le style caf’conc’ dans le « Pot pourri 1900 ». Taxée trop souvent de fantaisiste, Marie Dubas aimait surtout mélanger les différents genres, passant avec une sûreté rarement égalée, du comique de « Pédro » au pathétique de la « Prière de la Charlotte » (de Jehan Rictus), de l’effronterie de « T’aimer librement » jusqu’au charme agreste du « Doux caboulot ». Formée initialement à l’école de l’opérette, mais sachant tout aussi bien s’adapter à la revue, au cabaret qu’au music-hall (où elle fut la première à proposer un récital, un one-woman-show avant la lettre), Marie Dubas inspira de nombreux artistes dont Edith Piaf, qui lui reprit « Le fanion de la Légion » et surtout son fameux « Légionnaire » qui « sentait bon le sable chaud »… Serge DILLAZ - CHORUS