VERNE, JULES

Jules Verne, le père du roman de science fiction


 Lorsque Jules Verne naît le 8 février 1828 à Nantes sur l'île Feydeau, son père Pierre Verne, marié à Sophie Allotte de La Fuÿe, voit en ce fil aîné le digne successeur à sa charge d'Avoué...  Viendront ensuite quatre autres enfants, Paul, Anna, Mathilde et Marie.

C’est dans le sens de cette succession, déjà presque établie, que Jules Verne entreprend sa formation dans l'institution nantaise de Mme Sambin. Il obtient ses baccalauréats en Lettres et en Droit, en 1846, et « monte à Paris », afin de poursuivre ses études. Il obtient sa licence en 1849, mais le Droit l’ennuie. Cette austère matière ne permet pas à son tempérament artiste de s’épanouir. Lui qui brosse déjà la trame de plusieurs pièce de théâtre, de romans – qui restent sans fin – et écrit force poèmes, ne trouve pas sa voie dans l’idéal tracé par son père.

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« C'est parce que je sais ce que je suis, que je comprends ce que je serais un jour », écrit-il le 17 janvier 1852, l’année de ses vingt-quatre ans… Fort de cette certitude, Jules Verne ne compte guère quitter Paris. Il y mène une vie joyeuse, prônant un célibat forcené, et dans cet esprit fonde avec onze de ses amis le dîner des « Onze sans femme »… Mais ces facéties ne m’empêchent guère de continuer à travailler d’arrache pied à l’œuvre qu’il entraperçoit. Il parvient à placer quelques nouvelles dans « le Musée des Familles » publication de qualité qui, sous la direction de  Pitre-Chevalier, propose des « lectures du soir » de bon ton.

A la même époque, il se noue d’amitié avec les Dumas, père et fils, qui l’encouragent à poursuivre sa vocation d’écrivain. Il trouve un emploi de secrétaire au Théâtre Lyrique et réussit même à placer quelques-unes unes de ses pièces, écrites en collaboration avec Michel Carré. A côté de drames historiques, il écrit encore quelques aimables comédies, comme ses « Pailles rompues », qui sont représentées sur le « théâtre historique » d’Alexandre Dumas et connaissent un succès d’estime. Il fait figure d’auteur sinon « lancé », du moins prometteur. Ayant rencontré Aristide  Hignard, compositeur d’origine nantaise, il s’intéresse aussi de près à la chanson et à l’opérette, genre alors très en vogue. En 1853 , « Colin Maillart », dont la musique est de Hignard, est son premier vrai succès.

Mais, comme à nombre de célibataires inflexibles, les résolutions les plus fermes viennent à manquer. Le 10 janvier 1857, Jules Verne, le fondateur du dîner des « onze sans femme » se marie avec Honorine de Viane. En 1861, cette jeune veuve, qui a déjà deux enfants, lui donne un fils : Michel.


Ces nouvelles responsabilités lui font fuir le milieu bohême et artiste qui était le sien. Il devient Agent de change… mais ne renonce pas à l’écriture. 
L’année suivante, Jules Verne rencontre l’éditeur Pierre-Jules Hetzel. Il lui propose un manuscrit de sa façon, le « Voyage en l'air »… Ce roman d’un nouveau genre, mi-fantastique, mi-réaliste sur fond d’idéalisme scientifique séduit l’éditeur, qui signe un premier contrat le 23 octobre. Quelque peu remanié, ce texte deviendra le fameux « Cinq semaines en ballon » qui, publié en 1863, connaît un succès immédiat. C’est le commencement d’une longue et fructueuse collaboration avec Hetzel, celle des « Voyages extraordinaires dans les mondes connus et inconnus ».   

Un nouveau genre littéraire est né « la science fiction »… S’appuyant sur une forte documentation et sur une vaste culture personnelle – particulièrement les voyages entrepris avec son jeune frère Paul – Jules Verne anticipe des applications aux découvertes scientifiques de son temps. Véritable visionnaire, au fil de plus quatre-vingts romans, il voit un futur qui, souvent, est devenu réalité : voyages sous-marins, ou extra-terrestres, comme dans son voyage de la terre à la lune qui fut longtemps une chimère, téléguidage, air conditionné…
Son lectorat, généralement jeune, trouve en ses écrits une sorte de rêve éveillé qui le fascine. Son « Tour du monde en quatre-vingts jours » en 1872 est le plus grand succès de son œuvre. Il connaît de nombreuses publications, est même donné en feuilletons, et traduit en de nombreuses langues… 

Malgré ce succès, Jules Verne souffre d’une incompréhension qui le navre. Il éprouve un malaise face à la réputation d’auteur qui serait uniquement le chantre de la science et de la marche triomphale du progrès – qui est la marque de son siècle – auprès de ses lecteurs. En 1893, un peu navré, il confie à un journaliste : « Je suis homme de lettres et artiste, vivant à la recherche de l'idéal, m'affolant d'une idée, brûlant d'enthousiasme pour mon travail (...) Ce ne sont pas des décorations que je désire, pas plus que de l'or. C'est que les gens puissent voir ce que j'ai fait ou essayé de faire, et n'ignorent plus l'artiste dans le conteur. Je suis artiste. »

C’est sans doute aujourd’hui seulement, maintenant que toutes les inventions décrites ne sont plus un sujet perpétuel d’étonnement – on s’habitue à tout ! – que la poésie, enthousiasme et le goût de l’aventure de Jules Verne nous sont des plus sensibles. Le prophète de la science a masqué un temps le romancier…


Jules Verne meurt le 24 mars 1905, à Amiens où il s’était fixé en 1871 à la demande de son épouse qui était elle-même originaire de cette ville "assez près [de Paris] pour en avoir le reflet, sans le bruit insupportable et l'agitation stérile". Il laisse derrière lui non seulement une œuvre considérable, mais aussi un grand nombre de récits inédits ou inachevés que son fils Michel continuera de faire paraître.


par Jean-Yves Patte.
bio Jules Verne © Frémeaux & Associés