1- Durée des droits d’auteur :
Durée des droits d’auteur : 70 années après le décès de l’auteur.
« Au décès de l’auteur, ce droit persiste au bénéfice de ses ayants droit pendant l’année civile en cours et les soixante-dix années qui suivent » (Code de la Propriété Intellectuelle).
Allongement de la durée du droit d’auteur :
Les faits de guerre se cumulent avec la durée légale étendue à 70 ans après le décès de l’auteur.
Ø Compensation du manque à gagner des auteurs pendant la première guerre mondiale : le droit reversé est égal au temps écoulé entre le 2 août 1914 et « la fin de l’année qui suivra le jour de signature du Traité de Paix » soit 6 ans et 152 jours, Loi du 3 Février 1919.
Ø Compensation du manque à gagner des auteurs pendant la seconde guerre mondiale : les droits « sont prorogés d’un temps égal à celui qui sera écoulé entre le 3 septembre 1939 et le 1er janvier 1948, pour toutes les œuvres publiées avant cette date et non tombées dans le domaine public à la date du 13 août 1941 », soit 8 ans et 120 jours, Loi du 21 septembre 1951.
Harmonisation de la durée des droits : la loi du 27 mars 1997 transpose dans le Code de la Propriété Intellectuelle Français, en droit interne la directive CE 93/98 du 29 octobre 1993 sur l’harmonisation de la durée des droits.
Jurisprudence connue en 2006 :
« les prorogations liées aux faits de guerre prévues aux articles L.123-8 et L123-9 du Code de la Propriété Intellectuelle doivent se cumuler avec la durée légale de protection étendue à 70 ans le 1ier juillet 1995 ».
« le respect des droits acquis constitue l’un des principes généraux du droit protégé par l’ordre juridique communautaire ».
Ø Mort pour la France : Art. L123-10 du Code de la Propriété intellectuelle
Les droits mentionnés à l'article précédent sont prorogés, en outre, d'une durée de trente ans lorsque l'auteur ou le compositeur est mort pour la France, ainsi qu'il résulte de l'acte de décès.
Au cas où l'acte de décès ne doit être ni dressé ni transcrit en France, un arrêté du ministre chargé de la culture peut étendre aux héritiers ou autres ayants droit du défunt le bénéfice de la prorogation supplémentaire de trente ans ; cet arrêté, pris après avis des autorités visées à l'article 1er de l'ordonnance nº 45-2717 du 2 novembre 1945, ne pourra intervenir que dans les cas où la mention "mort pour la France" aurait dû figurer sur l'acte de décès si celui-ci avait été dressé en France.
Frémeaux & Associés a édité une version sonore de « La Passion » interprétée par Pierre Bellemare et dont l’auteur Monsieur Charles Peguy est décédé en 1918 avec la mention « Mort pour la France ». La Succession Charles Peguy et ses éditeurs bénéficient de 30 ans d’allongement de durée de protection du droit d’auteur. Frémeaux & Associés a donc régularisé avec Gallimard le règlement des droits patrimoniaux
2- Durée des droits voisins (LOI 1985) :
Les droits voisins regroupent les droits producteurs et les droits d’interprètes selon la loi Lang 1985 et transcrit dans le Code de Propriété Intellectuelle.
Projet de loi relatif aux droits voisins dans la société de l’information, (Renvoyé à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.) présenté au nom de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, par M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication (2002-2004) enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 12 novembre 2003 et présenté au vote parlementaire par M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication :
Ø CHAPITRE II - DUREE DES DROITS VOISINS
Article 5 devenu article 7 dans le projet de loi définitif
L’article L. 211-4 du code de la propriété intellectuelle est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 211-4.- La durée des droits patrimoniaux objet du présent titre est de cinquante années à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle :
« 1° De l’interprétation pour les artistes interprètes. Toutefois, si une fixation de l’interprétation fait l’objet, par des exemplaires matériels, d’une mise à disposition du public ou d’une communication au public pendant la période définie au premier alinéa du présent article, les droits patrimoniaux de l’artiste interprète n’expirent que cinquante ans après le 1er janvier de l’année civile suivant le premier de ces faits ;
« 2° De la première fixation d’une séquence de son pour les producteurs de phonogrammes. Toutefois, si un phonogramme fait l’objet, par des exemplaires matériels, d’une mise à disposition du public pendant la période définie au premier alinéa précité, les droits patrimoniaux du producteur de phonogramme n’expirent que cinquante ans après le 1er janvier de l’année civile suivant ce fait. En l’absence de mise à disposition du public, ses droits expirent cinquante ans après le 1er janvier de l’année civile suivant la première communication au public ;
« 3° De la première fixation d’une séquence d’images sonorisées ou non pour les producteurs de vidéogrammes. Toutefois, si un vidéogramme fait l’objet, par des exemplaires matériels, d’une mise à disposition du public ou d’une communication au public pendant la période définie au premier alinéa précité, les droits patrimoniaux du producteur de vidéogramme n’expirent que cinquante ans après le 1er janvier de l’année civile suivant le premier de ces faits ;
« 4° De la première communication au public des programmes mentionnés à l’article L. 216-1 pour des entreprises de communication audiovisuelle. »
Texte adopté n° 596 (Texte définitif) Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.
Délibéré en séance publique, à Paris, le 30 juin 2006.
Le Président, Signé : Jean-Louis Debré
Interprétation de l’article 5 par la SCPP (courrier de Jacques Chesnais, Directeur administratif de la Société Civile des Producteurs Phonographiques du 14/03/06 à Patrick Frémeaux – Frémeaux & Associés) :
« Les disposition de l’article 5 : cette loi a pour premier objet la transposition dans la législation française de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001. L’article 5 de cette future loi transpose la modification de l’article 3 de la directive 93/98/CEE qu’introduit l’article 11 de la directive 2001/29/CE.
Ces instruments modifient les « modalités » de fixation de la date de départ de la protection durant 50 ans de ce phonogramme.
A compter de la promulgation de la loi DADVSI, et sous réserve qu’aucune modification du texte actuel de l’article 5 n’intervienne, les phonogrammes dont les supports matériels seront commercialisés auprès du public dans les 50 ans à compter de la date de cette première mise à disposition relèveront du domaine protégé.
Les archives sonores de l’INA, que vous publiez vous permettront alors de bénéficier de la Rémunération Equitable et de la Copie Privée Sonore à compter de la date de leur première publication même s’ils ont déjà été communiqués au public plus de 50 ans auparavant. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
J’attire votre attention sur le fait :
- que cette modification ne pourra avoir pour effet de protéger à nouveau des phonogrammes qui ne sont plus du fait de la définition actuelle de la date de début de période de protection.
- que nous devons prendre en compte que la directive aurait du être transposée dans le droit français depuis le 22 décembre 2002.
En conséquence de quoi :
1) Tous les phonogrammes publiés sur support matériel après le 22 décembre 2002 et mis à la disposition du public pour la première fois, sont protégés durant 50 ans à compter du 1er janvier qui suit leur date de publication si :
· Ils n’ont pas déjà été publiés préalablement,
· Ils ont été fixés moins de 50 ans (ou 50 ans) avant cette publication.
2) Tous les phonogrammes qui ont été publiés avant le 22 décembre 2002 sont protégés durant 50 ans à compter du 1er janvier qui suit leur date d’enregistrement sauf si : Ils ont déjà été communiqués au public durant cette période car dans ce cas leur protection commence le 1ier janvier de l’année civile suivant cette communication au public. » (Monsieur Jacques Chesnais, Directeur Administratif de la SCPP)
JURISPRUDENCE 2006 ARRET HENRI SALVADOR
La cour d’appel de Paris rend un arrêt au profit d’Henri Salvador reconnaissant à l’artiste tombé dans le domaine public pour le droit voisin un droit moral élargi pour interdire une exploitation relevant du domaine public. En fait, la maison de disque condamnée avait choisi de régler les droits d’auteur de M. Henri Salvador à une société de gestion collective britannique (MCPS) moins onéreuse que la société française (SACEM). La justice a voulu défendre les droits patrimoniaux d’auteur de M. Henri Salvador et reconnaître à l’artiste – auteur un droit moral dépassant le rôle habituellement reconnu aux sociétés de gestion collective.
COUR D’APPEL DE PARIS - 14ème Chambre – Section A-ARRET DU 15 MARS 2006 :
Prétentions et moyens de JBM (éditeur phonographique)
Par dernières conclusions auxquelles il convient de se reporter du 03 janvier 2006 JBM expose :
Sur les droits patrimoniaux
* que M. SALVADOR ne subit aucun préjudice financier puisque les droits seront versés à la SACEM par l’organisme anglais compétent.
* que les prérogatives de l’article 212-3 CPI édictées en faveur de l’artiste interprète ne peuvent s’exercer que pour la durée de l’article 211-4 du même code
* que M. SALVADOR a donné l’autorisation de l’article 122-1 aux différents éditeurs
* que cette autorisation n’est pas nécessaire
Sur les droits moraux
* que M. SALVADOR ne démontre pas en quoi la compilation effectuée, ou le concept de la pochette, nuisent à sa réputation ou à l’intégrité de son œuvre.
* qu’il n’y a pas atteinte au respect de la vie privée de M. SALVADOR.
JBM demande la confirmation de l’ordonnance et 5.000 € au titre de l’article 700 du N.C.P.C.
Cette partie entend bénéficier des dispositions de l’article 699 du N.C.P.C.
SUR QUOI LA COUR,
Considérant que M. SALVADOR (demandeur à la mesure) n’a jamais précisé en vertu de quels pouvoirs le juge des référés était susceptible de prendre les mesures réclamées ; que selon l’article 809 alinéa 1 ce magistrat peut… prescrire… les mesures conservatoires qui s’imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Considérant qu’il résulte des articles L 123-1, L 122-4 et L 335-2 du CPI, que l’auteur jouit, sa vie durant, du droit exclusif d’exploiter son œuvre, œuvre dont la reproduction faite sans son consentement ou celui de ses ayants droit ou de ses ayant cause est illicite ;
Considérant encore qu’affirmer n’est pas prouver ;
Considérant qu’il est reconnu, ici, que ’’M. SALVADOR est l’auteur des 6 chansons qu’il interprète, reproduites sur le disque litigieux ; que JBM qui dit avoir « cédé » les droits d’exploitation… à la société anglaise Habana… qui a déclaré les œuvres… à la MCPS’’ n’apporte aucune justification de ses allégations - si ce n’est une photocopie d’un document rédigé en anglais non signé ; qu’elle ne pouvait céder un droit qu’elle ne possédait pas ; (ou dont elle ne démontre pas qu’elle en était titulaire) ; qu’une telle édition dont il n’est pas prouvé qu’elle a été faite conformément aux lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs est manifestement illicite ; qu’il y a donc lieu pour y mettre fin de prendre les mesures telles que précisées dans le dispositif ;
Considérant qu’il résulte d’une attestation de l’expert comptable de JBM que cette dernière a vendu 72.130 plus 10.225 CD à Carrefour et 25.750 CD à Champion soit 108.525 CD ; que la demande provisionnelle de M. SALVADOR à valoir sur le préjudice financier n’est pas sérieusement contestable à hauteur de 20.000 € ;
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Monsieur Marcel FOULON, Président.
- Signé par Monsieur Marcel FOULON, Président et Melle Delphine LIEVEN, Greffier présent lors du prononcé,
Faits constants :
La S.A.R.L. JACKY BOY MUSIC (JBM) a produit un disque compact comportant 9 chansons interprétées par Henri SALVADOR (il est l’auteur de 6 d’entre elles) et ce sans autorisation de l’intéressé. Ces chansons ont été enregistrées entre 1948 et 1952. La pochette reproduit une photographie de l’artiste.
Ces disques sont distribués exclusivement dans les magasins Carrefour et Champion en France et en Belgique au prix de 1 € TTC.
Par ordonnance du 19 juillet 2005 le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris rejetait les demandes de M. SALVADOR tendant à obtenir la cessation de la commercialisation du disque.
Monsieur SALVADOR interjetait appel le 05 août 2005.
L’ordonnance de clôture était rendue le 15 février 2006.
Prétentions et moyens de M. SALVADOR
Par dernières conclusions auxquelles il convient de se reporter du 27 janvier 2006
M. SALVADOR soutient :
* qu’il résulte des articles L 212-3 et L 211-4 du CPI qu’une autorisation de l’artiste vivant était nécessaire à JBM pour rééditer les œuvres tombées dans le domaine public.
* que ce disque viole le droit de l’article L 212-2 du CPI attaché à la personne de l’artiste interprète,
* que le disque viole le droit de l’article L 121-1 du même code attaché à la personne de l’auteur.
* qu’il dispose du droit exclusif de l’article L 123-1 du CPI
* que la pochette comportant sa photographie viole l’article 9 du Code Civil.
Il demande :
- l’infirmation de l’ordonnance
- d’ordonner la cessation immédiate de la commercialisation de ces disques,
- de condamner JBM à justifier de la distribution des stocks
- une provision de 100.000 € à titre de préjudice moral
- une provision de 100.000 € à titre de préjudice financier (article L 123-1 CPI)
- 3.000 € au titre de l’article 700 du N.C.P.C.
Cette partie entend bénéficier des dispositions de l’article 699 du N.C.P.C.
Considérant que le droit moral que l’auteur détient par l’article L 121-1 CPI a évidement été bafoué puisque son autorisation n’a pas été sollicitée ;
Que celui-ci établit qu’il s’était auparavant opposé à une « compilation au motif que chaque disque devait tourner autour d’un concept artistique » ;
Que le préjudice de M. SALVADOR, à ce titre n’est pas sérieusement contestable à hauteur de 50.000 € ;
Considérant qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de M. SALVADOR les frais non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu de lui accorder 3.000 € à ce titre ;
PAR CES MOTIFS,
Infirme l’ordonnance entreprise
Statuant à nouveau :
Ordonne à la S.A.R.L. JACKY BOY MUSIC de cesser immédiatement la commercialisation du disque compact litigieux sous astreinte de 100 € par infraction constatée dès la signification du présent arrêt.
Ordonne à ladite S.A.R.L. de justifier de la reprise et de la destruction des stocks sous astreinte de 100 € par infraction constatée, dans les 30 jours de la signification de la présente décision.
Condamne ladite S.A.R.L. à payer à Monsieur Henri SALVADOR deux provisions d’un montant respectif de 20.000 € et 50.000 € ainsi que 3.000 € au titre de l’article 700 du N.C.P.C.
Condamne la S.A.R.L. JACKY BOY MUSIC aux dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du N.C.P.C.
…
JURISPRUDENCE 2006 ARRET JEAN FERRAT
Un arrêt de la Cour de Cassation rendu le 8 février 2006 vient de consacrer le droit voisin de l’artiste qui, désormais, devra être consulté sur l’utilisation de ses interprétations. En l’espèce, Jean Ferrat reprochait à Universal d’avoir, sans son autorisation et malgré son opposition expresse, commercialisé des compilations de certaines chansons sans respecter leur chronologie originale et des compilations de ses chansons avec celles d’autres artistes. Un premier jugement rendu par le conseil des prud’hommes avait débouté l’artiste en 1997. La Cour d’appel s’était elle aussi prononcée en faveur d’Universal. La Cour de Cassation en revanche, dans un premier jugement du 10 juillet 2002, avait déjà décidé que « le principe d’ordre public de l’inaliénabilité du droit au respect de l’œuvre s’oppose à ce que l’auteur abandonne au cessionnaire, de façon préalable et générale, l’appréciation exclusive des utilisations, diffusions, adaptations, retraits, adjonctions et changements auxquels il plairait à ce dernier de procéder ». Elle a précisé sa décision le 8 février en affirmant qu’ « une exploitation sous forme de compilations avec des œuvres d’autres interprètes étant de nature à en altérer le sens, ne pouvait relever de l’appréciation exclusive du cessionnaire et requérait une autorisation spéciale de l’artiste. »
Cet arrêt qui peut paraître légitime pour la défense des créateurs vient élargir le caractère intègre de l’œuvre par titre à l’album en général. Cet arrêt remet en cause les compilations, anthologies, le téléchargement au titre et d’une manière générale un grand nombre d’usages de la profession. Frémeaux & Associés demande donc à ses ayants-droits de phonogrammes musicaux l’autorisation d’exploiter les œuvres par titre tant sur le marché de la compilation que dans les usages de l’économie numérique.
3- DUREE DES Droits voisiNS (LOI 2015) :
Les dispositions de la loi du 20 février 2015 prévoient que :
« II.-La durée des droits patrimoniaux des producteurs de phonogrammes est de cinquante années à compter du 1er janvier de l'année civile suivant celle de la première fixation d'une séquence de son.
« Toutefois, si, durant cette période, un phonogramme fait l'objet d'une mise à la disposition du public par des exemplaires matériels ou d'une communication au public, les droits patrimoniaux du producteur de phonogrammes expirent soixante-dix ans après le 1er janvier de l'année civile suivant la mise à la disposition du public de ce phonogramme ou, à défaut, sa première communication au public. L'artiste-interprète peut exercer le droit de résiliation mentionné aux articles L. 212-3-1 et L. 212-3-2 (art.L.211-4 du CPI).
Il est précisé que I. - Le titre Ier de la présente loi s'applique à compter du 1er novembre 2013. Il n'a pas pour effet de faire renaître des droits sur des fixations ou des phonogrammes dont la durée de protection a expiré avant le 1er novembre 2013.
Il n’y a donc pas de renaissance des droits pour les phonogrammes protégés, en vertu des dispositions anciennes, dont la durée de protection a expiré avant le 1er novembre 2013.
En pratique, quels sont les phonogrammes concernés par l’allongement de la durée des droits :
Il s’agit :
• Des phonogrammes fixés, publiés et communiqués postérieurement au 1er novembre 2013
• Des phonogrammes publiés et communiqués au public encore protégés à la date du 1er novembre 2013 en vertu du délai de protection prévu antérieurement (50 ans)
L’article 8 « Calcul des délais » de la Directive 2006/116/CE (et de la directive 93/98/CEE précédente) précise que « Les durées indiquées dans la présente directive sont calculées à partir du 1er janvier de l'année qui suit le fait générateur. »
La loi française fait également courir les délais de protection à compter du 1er janvier de l’année civile suivant le fait générateur, soit une protection égale à la période allant du fait générateur au 1er janvier + durée de protection légale.
Exemples :
- phonogramme fixé et publié le 30 avril 1959 : délai de protection de 50 ans à compter du 1er janvier 1960
=> protection jusqu’au 31 décembre 2009, tombé dans le domaine public le 1er janvier 2010, donc pas d’allongement de la durée de protection
- phonogramme fixé et publié le 1er janvier 1963 : délai de protection de 50 ans à compter du 1er janvier 1964
=> protection jusqu’au 31 décembre 2013, donc encore protégé à la date du 1er novembre 2013 et allongement de la durée de protection jusqu’au 31 décembre 2033.
NB : tous les phonogrammes licitement publiés ou communiqués au public à compter du 1er janvier 1963 bénéficient donc de l’allongement de la durée des droits.
4- Droits voisins (débat) :
Le patrimoine sonore en danger !
"Monsieur Nicolas Sarkozy, Président du pays de « l’exception culturelle » affirme à juste titre qu’un chef d’État français n’a pas à discuter ou à négocier avec les Talibans – et ce pour de nombreuses raisons, dont la destruction des Bouddhas millénaires de l’Afghanistan préislamique.
Cependant, est-ce que notre Président de la République sait que la France prépare avec l’Europe le même anéantissement de son patrimoine culturel ? En préconisant l’allongement de la durée du domaine protégé de 50 à 95 ans, la Commission européenne permettrait la perception des droits d’artiste-interprètes aux ayants droit de Brassens, Gainsbourg ou des Beatles, les quelques happy few de l’édition patrimoniale. Mais en négatif de cette mesure disparaîtraient toutes les oeuvres qui ne présenteraient pas de réel intérêt économique pour les majors et qui ne pourraient plus être mises à la disposition du public par d’autres éditeurs.
En l’absence de toute expertise, cette Commission ignore que la grande majorité du patrimoine de l’édition phonographique n’a pas fait l’objet de réactualisation des contrats et ne pourra, donc, être diffusée. Seuls les artistes ou les oeuvres dont l’importance économique légitimera un travail d’éclaircissement juridique et parfois judiciaire pourront être mis à la disposition du public, à savoir une partie minime de ce qui fonde l’histoire musicale du XXe siècle. Il faudra donc accepter que le législateur nous interdise d’écouter des artistes équivalents à Fréhel, Fletcher Henderson ou Carlos Gardel."
Patrick Frémeaux
Le patrimoine sonore, la mémoire collective en danger !
Notre Ministre de la Culture a récemment fait de l’allongement de la durée de protection des enregistrements phonographiques une de ses priorités, suscitant une proposition de la Commission européenne en ce sens. A la grande satisfaction des organismes d’interprètes et de producteurs, mais au grand dam des éditeurs du domaine public qui voient leur travail de mise à disposition du patrimoine sonore menacé.
Pour Patrick Frémeaux, de Frémeaux & Associés, l’un des principaux indépendants en ce domaine, c’est la disponibilité de la mémoire collective qui est en jeu. Il demande que le problème soit posé avec expertise et réflexion, estimant que l’élargissement du domaine protégé aurait des conséquences négatives sur la diversité culturelle, alors que l’enjeu économique est relativement faible. A défaut, Patrick Frémeaux préconise une autorisation cadre, une gestion collective des droits patrimoniaux qui permettrait l’exploitation des catalogues concernés. Interview. (Gildas Lefeuvre pour GL Connection)
5- Memories of you
(Editorial d'Yves Sportis, pour la revue Jazz Hot)
Patrick Frémeaux est parti en guerre contre l’allongement des droits voisins de 50 ans à 95 ans. Les droits d’auteur et les droits voisins, définis par la loi Lang de 1985 pour les artistes interprètes, les producteurs de phonogrammes et vidéogrammes et les entreprises de communication audiovisuelle, sont un sujet déterminant pour le futur de la culture, pour cette mémoire qui doit rester en permanence disponible et diverse sous peine de pertes de repères esthétiques, politiques et moraux. La dérive impulsée par la France sous l’ère François Mitterrand-Jack Lang continue aujourd’hui, quelles que soient les tendances politiques, à dévaster la mémoire culturelle. Patrick Frémeaux choisit à ce propos l’analogie du dynamitage des Bouddhas préislamiques par les Talibans en Afghanistan, et il n’a pas tort ; l’ensevelissement de notre mémoire sous des tombereaux d’interdits de législations bureaucratiques au service d’intérêts inavouables (nous allons essayer de détailler les plus évidents) serait même plus destructeur sur les plans quantitatifs et qualitatifs, car la culture est un faisceau de mille fils, fragiles, qui disparaîtront d’un patrimoine autrement plus vaste, aussi sûrement que les bouddhas, sous l’inflation de la médiocrité contemporaine (c’est une réalité plus ou moins marquée de toutes les époques) malgré toutes les grandes bibliothèques et les systèmes d’archivage les plus sophistiqués. Une œuvre privée de public est morte. Des artistes, des cultures privés de durée sont niés. Des artistes apprentis privés de passé sont condamnés à la médiocrité. Patrick Frémeaux s’étonne, à raison, que le domaine public (la partie hors droits de l’édition phonographique) qui fait vivre aussi peu de personnes dans le monde, c’est-à-dire qui concerne une frange réduite d’activistes en quête de transmission, soit l’objet d’une telle attention des pouvoirs publics français, européens, voire plus. A raison en effet, parce que les maisons d’édition qui mettent en valeur (avec un travail critique de qualité) le patrimoine sonore - ou autre - du XXe siècle, les débuts de l’enregistrement, se comptent sur les doigts et que les auteurs concernés sont pour la plupart morts.
Il nous faut donc nous interroger sur les raisons de cette préoccupation unanime et suspecte autour des cercueils, car cette extension des droits d’auteur puis des droits voisins, voulue par toutes les sensibilités politiques, ne fait l’objet que de rares critiques - Jazz Hot souvent et ici Patrick Frémeaux qui dirige une belle entreprise de sauvegarde et de valorisation du patrimoine universel musical et pas seulement.
Patrick Frémeaux remarque justement que des grandes maisons cherchent à étendre leurs droits sur les productions très rentables (les Beatles, Gainsbourg, Brassens…) et cela peut être un premier élément d’explication, bien qu’on en oublie le sens littéral de la locution « droits d’auteur » au profit des ayants droit ou des droits voisins. Si on peut trouver légitime que des auteurs encore en vie bénéficient jusqu’à leur dernier souffle des revenus de leur création, dans une proportion plus importante que celle d’aujourd’hui, le droit d’héritage pour l’œuvre de l’esprit et pour les droits moraux attachés à l’œuvre (70 ans après la mort aux Etats-Unis) sont pour le moins… immoraux - nous divergeons sur ce plan de l’opinion Patrick Frémeaux - et contraires à la nécessité de transmission d’un patrimoine à l’humanité pour qu’elle en fasse ce qu’elle en veut dans la diversité et la liberté de choix, pour qu’elle fasse survivre le génie dans une adaptation libre de contrainte.
De même, en ce qui concerne les droits voisins, en l’absence de volonté éditoriale régulière et de qualité d’œuvres du XXe siècle, qui sont souvent celles d’artistes de moyenne ou faible notoriété malgré leur grande qualité - le cas du jazz -, décider d’empêcher ou d’entraver le travail des passeurs de mémoire en portant à 95 ans ces droits voisins sous prétexte de protéger quelques tiroirs-caisses (les droits des stars), revient à couper le fil de la mémoire entre le XXe et le XXIe siècle. Compte tenu des relativement faibles tirages-ventes des éditions de qualité du jazz en général, si un label titulaire des droits décide de ne plus éditer tel ou tel artiste, cette extension de droits revient à décourager toute initiative jusqu’à l’extinction des droits. Plus d’édition critique, plus de cohérence dans la compréhension du jazz par plusieurs générations d’amateurs, fin du jazz.
Il y a sans doute des précautions législatives à prendre contre les contrefaçons, le téléchargement, mais il ne s’agit pas de ça ici, même si le débat est parfois perverti par des amalgames ridicules ; en matière de culture souvent très pointue (le jazz par exemple), l’amateur peut être finalement plus intelligent que le législateur ne l’imagine. Il est capable de choix. Les réussites éditoriales de Frémeaux & Associés, d’Universal Jazz en France, de Fresh Sound en Espagne ou de la maison Mosaic de Charlie Lourie et Michael Cuscuna aux Etats-Unis (qui ont contourné les 95 ans déjà en vigueur aux Etats-Unis) le montrent.
Sauf à renoncer à la démocratie, il est temps de se battre pour le principe de responsabilité, même et surtout si tout le monde ne l’est pas encore (responsable).
C’est justement ce terrain, très politique, qu’il faut creuser pour voir, au-delà du diagnostic de Patrick Frémeaux, les raisons de la construction de cette forteresse législative et bureaucratique internationale, mortifère pour la mémoire, la transmission, la liberté de choix, la responsabilité, l’initiative.
L’idée de privilégier la « culture vivante », les « métiers de la culture », « l’industrie culturelle », les « musiques actuelles », le culte de la mode, de l’éphémère, du contemporain, le jeunisme, relève d’une stratégie globale d’amnésie, d’une philosophie antidémocratique. Elles a été mise en œuvre en France par les pouvoirs politiques, de Malraux à Lang, parce qu’elles servaient leur désir de soumettre la pensée, d’asservir les artistes, une volonté partagé par toutes les sensibilités, un réalité du jour.
Et les puissances économiques ont saisi cette opportunité parce qu’elles renouvellent ainsi en permanence les besoins de consommation de produits « nouveaux », éphémères, vite démodés ou obsolètes, alimentent des chiffres d’affaires, drainent des publics moutonniers avec des expressions interchangeables.
Forcer en effet chaque génération à redécouvrir la roue, à adopter la mode-norme du moment, stérilise ce catalyseur de l’intelligence qu’est la mémoire, et empêche la maturation démocratique des sociétés. Certains artistes apportent leur soutien à ces politiques suicidaires sur le plan de la création, souvent en se positionnant en concurrents de leur mémoire : dans le jazz, certains parlent de « vieux jazz » ou de « jazz moderne », avec tout ce que cela comporte de nuances péjoratives par opposition aux « musiques actuelles », supposées créatives parce qu’elles sont du jour. Penser que les rééditions empêchent la vie des disques d’aujourd’hui, légiférer pour cela (l’allongement des droits d’auteur et droits voisins), consiste à s’ériger en juge de ce que chacun veut et peut écouter car la technologie le permet.
Le fait que des états fabriquent des artistes officiels « actuels » en les subventionnant sous couvert d’aider la culture (les régimes totalitaires ont été précurseurs en la matière, sans ce prétexte pervers et infondé), le fait que des entreprises imposent des artistes par des campagnes publicitaires, pour lesquelles les bobos écolos oublient de parler de manipulation mentale ou de pollution (et pourtant…), privent le public et les artistes de la possibilité d’un choix, forcément varié, démocratique, et attentent à l’indépendance indispensable de la création.
Cette rencontre d’une bureaucratie, qui se dit le plus souvent « de gauche », et des puissances économiques internationales classées à droite par nature, est la recette d’un système assez largement accepté, opérant autant pour la culture de masse que pour celle des élites. C’est aujourd’hui universel, qu’on parle d’art, de culture, de sport, de charité, de politique ou de consommation.
Que nos concitoyens soient de moins en moins conscients de ce que sous-tend une vision démocratique (sur le plan politique, de l’art, du mode de vie, etc.) est bien le signe que Villon, Rabelais, Molière, Montesquieu, Voltaire, Rousseau, 1789, la laïcité, Hugo, Dumas, Zola… sortent progressivement de la mémoire collective construite siècle après siècle, cette mémoire déconnectée du pouvoir, donc subversive. Dans ce contexte étendu à la planète, on comprend mieux cette volonté des pouvoirs de désactivation de la mémoire, par l’extension des barrières législatives et financières, voire, plus primitivement, religieuses comme le rappelait Patrick Frémeaux dans son analogie afghane. Car pour les pouvoirs, il s’agit de faire échec à ce jugement de l’histoire et du temps que permet la mémoire, en fait une sagesse collective naturelle qui, siècle après siècle, et malgré ces pouvoirs, puise dans ses racines la force accumulée de conquérir la lumière. C’est souvent grâce à l’œuvre de savants passeurs de relais auxquels appartient par exemple Patrick Frémeaux. Le jazz, en tant qu’art, en est, encore une fois, un bel exemple si l’on considère que ses créateurs, les Louis Armstrong, Robert Johnson, Charlie Parker et des centaines de milliers d’autres, sont passés au travers de l’invisibilité et de l’oubli promis grâce à une capacité de transmission-accumulation de mémoire exceptionnelle, souvent orale. On pourrait le dire des expressions tziganes ou juives qui doivent, plus qu’on ne pense, à cet oral affranchi d’une matérialité contrôlable.
Dans les siècles en effet, cet échange avec le passé constructeur d’avenir a été rendu difficile par la perte ou la destruction des sources, l’autodafé, les difficultés de conservation, les lenteurs des communications, les barrières de langues, l’instrumentalisation-révision de l’histoire… On peut lire à ce sujet le bon ouvrage Aristote au Mont St-Michel de Sylvain Gouguenheim.
Aujourd’hui, ce travail de préservation a été porté à un sommet de sophistication technologique par une quête qui relève d’une volonté de mémoire de l’humanité presque biologique tant elle est ancestrale. Il faut donc voir dans cette politique de confiscation de la mémoire par les pouvoirs actuels une nouvelle étape de leur intelligence perverse qui n’est pas sans rappeler les précurseurs totalitaires du XXe siècle. Il faut voir dans la propagande, la mode, l’obsolescence organisée, l’entassement des lois, la concentration, les monopoles, l’inflation « culturelle »… les moyens de cet accaparement.
C’est d’autant plus dangereux pour la démocratie que l’explosion démographique des soixante dernières années et la délocalisation technologique sans conscience ont déstabilisé en peu de temps les fragiles valeurs de rationalité et d’humanisme du monde occidental. Le besoin d’éternité ferait bien de s’exprimer dans des œuvres de l’esprit plutôt que dans une débauche démographique non assumée - en France aussi - et porteuse de guerre, de corruption, d’asservissement.
N’en déplaise à l’histoire officiellement correcte du jour, c’est dans les valeurs démocratiques de cet occident décrié que les peuples ont d’abord puisé les arguments de leur indépendance-libération, leurs conquêtes sociales. Aujourd’hui, ils retournent à leurs archaïsmes, faute justement d’une mémoire vive du passé prérépublicain, précolonial occidental ou présoviétique, pourtant sordide. Des puissances plus jeunes surgissent – à la mémoire sélective et courte - pas démocratiques - une conquête, pas un don -, corrompues, obscurantistes et cela parce qu’elles n’ont pas mémorisé leur propre histoire.
Les nouvelles alliances entre des concentrations multinationales devenues incontrôlables, qui ont bâti leur richesse sur la technologie permise par la rationalité des démocraties, et ces dictatures ne promettent rien de bon. C’est le cas du monde arabe. La Chine aussi nous donne le spectaculaire exemple de la rencontre entre deux mondes apparemment opposés, où un communisme hégémonique très Chine impériale a rencontré le capital multinational pour le développement d’une société très inquiétante : totalitaire, militariste et efficace ; une première à cette échelle démographique.
Ce sont ces raisons parmi d’autres qui permettent de mieux comprendre qu’un des principaux enjeux de pouvoir aujourd’hui réside dans la maîtrise juridique et matérielle de la mémoire. La réécriture permanente de l’histoire des faits, des arts et des idées à l’aune de l’actualité par des penseurs asservis (des mondes universitaire, économique et médiatique…) comme la maîtrise des droits d’auteur nécessite cette confiscation, participent de ces mécanismes de déclin planétaire de la démocratie. Certaines concentrations, comme le groupe Lagardère en France, ont d’ailleurs fondé leur stratégie sur ce pari, cet accaparement.
Le jazz est mémoire, il n’est que ça, comme nous le rappellent encore de jeunes artistes côtoyant de vieux artistes dans l’excellence et la complicité. En France et en Europe, il souffre sur les plans artistique et économique depuis des années d’une politique de négation de son passé. Sa force a longtemps résidé dans l’éparpillement d’un public, sur plusieurs générations, à la surface du globe, dans la variété de ses passeurs de mémoire, dans la pluralité internationale incontrôlée de sa production, dans la limite de son échelle : pas de star system, pas de grandes salles, pas de ventes de masse, mais un effort continu, une production de biens durables, comme on dit, une politique de rééditions de qualité. Le jazz reste un havre de démocratie. Mais il y a urgence à ce que les amateurs, les artistes et les quelques professionnels francs-tireurs et résistants prennent conscience du contenu politique de leur passion, de leur pratique, de la vague négationniste qui se profile, des pratiques nuisibles à leur passion (l’insinuation du star system, du pouvoir, de l’institution, la perte des savoirs…), s’ils souhaitent prolonger la belle histoire qu’ils ont reçue en héritage. Pour les droits voisins, soutenir Frémeaux, c’est préserver la mémoire, résister à la normalisation…" Yves Sportis - Jazz Hot