Lumineuse diction par Lire

« Quand Gide, à la parution de Colline en 1929, s’écrie qu’ "un Virgile en prose vient d’éclore en basse Provence", sait-il que, en saluant en ces termes son jeune auteur, il rend hommage à la formation toute classique de celui-ci ? ... » LIRE

« Quand Gide, à la parution de Colline en 1929, s’écrie qu’ "un Virgile en prose vient d’éclore en basse Provence", sait-il que, en saluant en ces termes son jeune auteur, il rend hommage à la formation toute classique de celui-ci ? Giono tient en effet sa vocation d’écrivain de sa fréquentation d’Homère, des tragiques grecs, de Théocrite, de Virgile. Mais Giono, c’est également une voix à jamais marquée par l’enfer de Verdun. Aussi est-il impossible de ne pas entendre, dans cette histoire d’un village isolé dont les quelques âmes qui le peuplent sont en proie à une peur panique, l’écho lointain de cette terrible expérience. Impossible de ne pas se demander si, par cette prose gorgée de poésie, ce n’est pas l’insoutenable douleur d’hier, devenue dans son œuvre celle-là même de la vie, que l’auteur n’a de cesse de vouloir exorciser : "Il y a trop de sang, autour de nous. Il y a dix trous, il y a cent trous, dans les chairs, dans du bois vivant, par où le sang et la sève coulent sur le monde comme une Durance. Il y a cent trous, il y a mille trous que nous avons faits, nous, avec nos mains". C’est cette vision du monde que Jean Chevrier, dans cet enregistrement de 1955, sert magnifiquement, apportant au tragique de l’œuvre et à la langue de Giono sa lumineuse diction. » LIRE