« Dix disques qui ont fait le jazz » par Les Echos

Non, nous n’avons pas exilé notre spécialiste du jazz sur une île déserte en l’obligeant à réduire sa discothèque à dix enregistrements. Mais il a relevé un véritable défi : choisir dans ce vaste univers dix oeuvres qui ont marqué la mémoire du jazz et restent aujourd’hui incontournables dans une discothèque digne de ce nom. Oui, Louis Armstrong en fait partie, bien sûr.
Le jazz donne le tournis. En un siècle, il a connu toutes les révolutions que la musique classique a vécues en un demi millénaire. Issu du brassage, trois siècles durant, des traditions africaines, surtout, et européennes, le jazz est apparu il y a un peu plus de cent ans. Le premier enregistrement a été réalisé par l’Original Dixieland Jazz Band, en 1917. C’était un orchestre de Blancs ! En fait, le premier qui aurait dû laisser son nom sur une galette était le cornettiste noir Freddie Keppard, en 1916, mais, jaloux de son talent au point de cacher ses doigts sous un mouchoir quand il jouait, il aurait refusé. Ce n’est qu’en 1922 que la musique noire de la Nouvelle-Orléans est enfin enregistrée. Voici notre choix, totalement arbitraire (et affectif), mais pas injuste, de dix grands enregistrements qui ont révolutionné le jazz.
Au début du 20è siècle, la Nouvelle-Orléans, très libérale, brasse les populations, dans la rue, dans les tripots, les bars à musique et les lupanars. Noces, banquets, enterrements : tout est prétexte à des parades musicales. C’est là qu’apparaissent les premiers personnages de légende de la saga du jazz, comme King Oliver qui propulse le jeune trompettiste, premier grand soliste de l’histoire du jazz, sur le devant de la scène. Cet excellent travail « compilatoire » nous replonge dans l’ambiance jubilatoire du jazz originel. Armstrong sautille d’un sommet à l’autre avec une aisance inouïe. Sonorité profonde, lisibilité du discours, attaque tranchante, phrases radieuses : c’est du soleil dans la maison. […]
Renaud CZARNES – LES ECHOS