Un son parfait par Jazz Classique

Claude Bolling peut-être considéré sans conteste comme le plus fin connaisseur de l’œuvre du Duke en France, il l’a souvent prouvé. Son amour pour la musique du grand homme et n’a cessé, fidèlement, d’en célébrer les multiples aspects depuis sa tendre jeunesse, des premiers albums microsillons gravés pour le club français du disque dans les années 1950 à sa merveilleuse exhumation de la « suite » A Drum Is A Woman  donnée à Chaillot avec Jérôme Savary en 1996. Mais, avant de ressusciter cette dernière suite, Bolling s’était déjà attaqué en 1989 à la monumentale « Black, Brown and Beige », l’une des œuvres maîtresse de l’édifice ellinghtonien, l’une des plus ambitieuses aussi, surtout pour l’époque de sa création, en 1943. Le présent CD publié par Frémeaux et Associés n’est autre que la réédition de la version gravée par Bolling en 1989, et publiée par Adès en 1990. Bolling n’était pas le premier à avoir donné de la « B, B&B » dans le style « repertory orchestra », la première ayant été la version de l’anglais Alan Cohen, avec Brian Priestley au piano, enregistrée pour Argo en 1972, du vivant de Duke donc. Louis Bellson allait en donner une autre version en 1994, et le chef américain Maurice Peress en 1999 ( lire à ce propos son livre, « Dvorak to Ellinghton », 2004). L’avantage de la version Bolling est sa fidélité, de nouveau, à l’œuvre, la très grande tenure des arrangements et la qualité incontestable des solistes, tous aguerris à ce répertoire. Le personnel de l’orchestre ici rassemblé autour de Bolling se lit commme un véritable who’s who du jazz français : Claude Tissendier, Pierre Schirrer, Guy Bodet, Michel Delakian, André Paquinet, Benny Vasseur, Pierre-Yves Sorin, Vincent Cordelette, entre autres, tous excellents, sans oublier le violon de Patrice Fontanarosa dans le rôle Ray Nance et la vocaliste Guylenn dans The Blues, le seul passage chanté de la suite. Il est toujours réjouissant de pouvoir entendre une telle phalange recréer la musique d’un grand compositeur, surtout en concert, même si l’on se demande parfois l’utilité de nouvelles versions enregistrées quand l’originale existe par les compositeurs et créateur lui-même, enregistrée dans de bien piètres conditions techniques, il faut bien l’avouer, pour ce qui est de la version de janvier 1943 au Carnegie Hall, où incomplètement pour les versions studios de 1944 (Victor) et 1958 (Columbia, avec Mahalia Jackson). On appréciera donc à sa juste valeur cette réédition chez Frémeaux de l’œuvre toujours fascinante, 64 ans après sa création, dans un son parfait et servie par des musiciens irréprochables. François-Xavier MOULE-JAZZ CLASSIQUE