« Palme de l’élégnace » par Juke Box Magazine

A l’instar de certaines compagnies Américaines, Frémeaux a réussi, grâce à la qualité constante de ses publications, à instaurer un rapport de confiance avec le public. Après le jazz, la chanson française, et la country, voici une nouvelle collection de morceaux blues, qui fait suite aux volumes « Women in Blues » et « Story of Black & Blue » (Frémeaux 18 et 30-31). Les 36 titres réunis ici sont annoncés comme des chefs d’œuvre, nom amplement mérité. La sélection, signée Gérard Herzaft, est un exemple de connaissance et de discernement. La qualité des enregistrements, leur rôle historique, donnent à la compilation le caractère exotérique souhaité. Une bonne partie des musiques rock, country et pop découle en partie de ces blues dont les structures, riffs, tonalités et thèmes ont servi de base à bien des musiciens plus récents. L’argument historique, employé à juste titre pour attirer l’attention d’un public non encore initié, ne doit pas cacher le fait que l’on entend de véritables sommets de l’art populaire, admirables pour leur valeur intrinsèque, leur pureté, leur humanité, leur poésie. La plupart des morceaux n’avaient pas encore fait l’objet de réédition en compact. Ce sont pourtant des compositions de référence. « Catfish Blues » (Robert Petway) a inspiré « Rolling Stone » (Muddy Waters). De « Someday Babe » (Sleepy John Estes) découle le standard « Worried Life Blues ». « Baltimore Blues » (Charlie McCoy) précède « Kokomo Blues » de deux ans ainsi que « Sweet Home Chicago » (Robert Johnson). Par contre, « Breathtanking Blues » (Rhythm Willie) est un cousin inavoué de  « St James Infirmary ». On peut aussi déguster la première mouture de « Baby Please Don’t go », enregistrée à Chicago par Big Joe Williams en 1935. Sonny Boy Williamson étonne par sa modernité, notamment à l’harmonica, avec la version originale du fameux « Good Morninf Little Schoolgirl » (chaud !) de 1937. La palme de l’élégance – tous les participants peuvent y prétendre – revient peut être à Lonnie Johnson pour son « Winnie the Wailer » mélodieux, léger et inspiré, vaguement réminiscent des tubes joués au Cotton Club ; ou à T-Bone Walker dont la guitare est d’une fluidité féerique.
Jean-William THOURY – JUKE BOX MAGAZINE