« Dialogue avec les métaux et les peaux effleurés » par Le Monde de la Musique

Un saxophone baryton (François Corneloup) d’une belle graisse sonore, qui sait se faire léger, duveteux, fluide lorsque, en ouverture de la maison dort, il dialogue avec les métaux et les peaux effleurés d’Eric Echampard, mais dont la masse est dotée d’une énorme capacité d’entraînement quand, aux faux ostinatos qu’il déroule en ligne de fuite, se joignent les deux autres mélodiques du quartette : tromboniste Yves Robert et le guitariste marc Ducret. Quatuor, serait-on plutôt tenté de dire, tant la répartition des responsabilités s’écarte de la traditionnelle fonctionnalité du jazz quartet. Par les modes de jeu et les combinaisons qu’elles multiplient, par les déclinaisons de l’articulation collectivité-insividu qu’elle proposent, les compositions de Corneloup soudent une passionnante complicité dont les structures socialisantes se font et se défont sans jamais laisser se figer les rôles au sien de cette camaraderie en marche sur des chemins escarpés. Le lyrisme généreux de ces orphéons imaginaires qu’Yves Robert et Marc Ducret ont en commun donne du cœur à l’ouvrage. Eric Échampard forge, martèle, plisse et déplie matériaux polyrythmies angulaires striées par la guitare, brossé par le trombone Chauffées à blanc par le Baryton, les solos se tressent entre eux ou se tissent d’inextricable manière dans la trame écrite. Le terrain se découvre toujours neuf à chaque nouvelle écoute et, de cette musique tout en patience et rétention, sort une intense jubilation.
Franck BERGEROT – LE MONDE DE LA MUSIQUE