Interview de Marc Edouard Nabe par So Jazz

Vos premiers souvenirs de Thelonious Monk ? : J’écoute sa musique depuis que je suis né, mais mon premier grand choc remonte à 1972, lorsque je l’ai rencontré à l’Olympia. Art Blackey me l’a présenté. J’étais jeune, j’avais treize ans mais j’étais déjà fasciné par Monk. Dans notre maison, j’avais poussé mon père à coller sur le plus long mur du salon une photo immense de Monk, signée Jean-Pierre Leloir. Les parents de mes copains d’école, quand ils venaient rechercher leurs gamins, nous demandaient qui était cet énorme Noir. Un chef d’Etat africain ? Un Martien plutôt !
Pourquoi Monk plutôt qu’un autre jazzman ? : Parce que, parmi les plus grands, c’est celui qui me touche le plus. Certains perdent leur temps à découvrir de « petits bijoux » chez des seconds couteaux, moi je ne cesse de gravir et regravir les sommets. Monk est l’un des plus hauts. Sur le plan harmonique et mélodique, il écrase tout. Il pourrait paraphraser Céline : « Je joue pour rendre les autres inécoutables. »
Avec un style pas forcément immédiatement accessible ? : Si. Pour moi, son style a toujours été une évidence. Il est dans une logique qui fait peur. Chaque note est imprévisible, hésitante à force d’autorité, mais tout est clair. Et chaque accord trouvé sur place comme de l’or est un choc sonore, et je dirais même visuel. Vous succombez sous la beauté d’une telle lumière.
Par Marc Edouard NABE – SO JAZZ