« C’est une excellente idée et la sélection de Jean Buzelin est sans faute » par Abs Magazine

« Tout a déjà été dit sur Ray Charles, dans des livres, dans des films, dans ce magazine et dans d’autres… Qu’ajouter ? Peut-être qu’il y a des qualificatifs et surnoms qui collent parfaitement à certains artistes ? C’est le cas de Ray Charles, « The Genius », à coup sûr une des personnalités les plus marquantes du monde musical du XXè siècle. JSP (UK) et Frémeaux (Fr) sortent chacun en même temps un coffret de cet artiste hors du commun en se complétant mutuellement, le coffret JSP de deux cd couvrant la période « West Coast – club blues » 1949-1952 et le coffret de 3 cd Frémeaux couvrant la période 1949-1960, soit essentiellement la période r&b et jazz. Et avec un minimum de doublons (trois seulement), cela vaut la peine d’être noté. L’occasion à saisir par ceux qui veulent se faire une collection très représentative du Genius en un minimum de cd et pour les autres aussi. En début de carrière, la passion de Ray Charles pour le trio de Nat King Cole (côté jazz) et pour Charles Brown (côté blues) l’a amené à copier son (ses) maître(s), avec un atout supplémentaire : sa voix unique rauque et râpeuse de bluesman et de chanteur de gospel, ce qui lui a permis de se faire connaître sur un plan national. Jack Lauderdale et sa compagnie Down Beat vont lui permettre de graver ses premiers hits en 1949 (Confession blues, Alone in this city, Ain’t that fine…), mais les meilleurs faces de cette période dite « club blues », en trio, sont les blues qui l’ont enthousiasmé dans ses jeunes années et qu’il coule dans son moule du moment de 1949 (Rockin chair blues, Blues before sunrise et How long blues) et 1950 (Sittin’ on top of the world, I’ve had my fun, See see rider, Late in the evening blues, etc), les autres morceaux étant marqués par la sophistication et la nonchalance propre à ce type de musique destinée à la clientèle de clubs plus ou moins selects de la West Coast (ou de Seattle où démarre la carrière de notre homme). Après l’abandon de la formule trio, un passage dans l’orchestre de Lowell Fulson (1952) et quelques hits de plus gravés en 1950 (Baby let me hold your hand) et 1952 (Kiss me baby…), Charles passe sous contrat Atlantic et commence une période des plus fastes, laquelle, avec des partenaires hors pair (Don Wilkerson, David Newman, Edgar Blanchard, Wallace Davenport, Panama Francis, etc) et avec les Cookies puis les Raeletts (dont les chanteuses spéctaculaires Mary Ann Fisher et ma favorite Margie Hendricks), va lui apporter une gloire internationale on ne peut plus justifiée, avec des classiques du r&b comme I got a woman, What I’d say, Lonely avenue, Yes indeed, My baby, The right time, Tell the truth, le Worried life blues de Big Maceo, et même un hit de country & western comme I’m movin on qu’il arrive à transformer en succès r&b. Dans la foulée, on le sait il va, pour ABC-Paramount, carrément aller vers ce genre de country qu’il adorait écouter dans sa jeunesse et produire des classiques comme Georgia on my mind, Ruby ou I can’t stop loving you (non repris dans cette rétrospective !) et beaucoup d’autres. Chez Frémeaux, on a choisi de consacrer le 3ème cd à Charles le jazzman, c’est une excellente idée et la sélection de Jean Buzelin est sans faute. (Charlesville – un titre qu’il a composé lui-même à sa propre gloire avec Cosmic Ray – et The Ray de Quincy Jones) et combien il est à l’aise en big band avec ses amis de jeunesse (Quincy Jones) et ceux de la maturité (Milt Jackson, David Newman, Hank Crawford,…) : les faces avec Milt Jackson au vibraphone sont mémorables (Soul meeting et Cosmic Ray) mais on retrouve aussi des tubes avec Let the good time roll, Rosetta et autre I’m gonna move to the outskirt of town. Dans le coffret JSP, dix faces du trio de Bill Samuels complètent le cd 2, peu à l’avantage de Samuels, musicien de Chicago qui souffre de la comparaison avec Ray Charles, même s’ils s’expriment dans le même moule « club blues », mais pas dans la même catégorie ; à son actif, on retiendra quand même son humour dans des morceaux très suggestif comme Jockey blues, My bicycle Tillie, That chick’s too young to fry ou ses hits de 1946 (I cover the waterfront et Port wine). »
Par Robert SACRÉ – ABS MAGAZINE