« Deux réussites totales, et deux atmosphères complètement différentes. » par Soul Bag

"Sixième volume d’une intégrale que Soul Bag chronique régulièrement depuis plus de dix ans. Voici Rosetta Tharpe arrivé à la fin de sa fructueuse carrière chez Decca. Fin 1957, invitée par Chris Barber, chef d’un ensemble Dixieland anglais, elle entama une triomphale tournée en Europe qui du même coup relança sa popularité en Amérique. Ce premier CD nous offre un concert avec Chris à Manchester et, fin 1958, l’enregistrement d’une séance live dans une église new-yorkaise. Deux réussites totales, et deux atmosphères complètement différentes. En Angleterre, la Sister est visiblement fort à l’aise, elle enthousiasme ses partenaires par sa fougue, attise les solos par ses encouragements, domine un orchestre qui sait se faire discret quand elle chante « little prayers for the Lord » ou prend des solos de guitare inspirés (et malheureusement plutôt mal enregistrés). Elle conquiert son public par son humour et ses jeux de scène, qu’on ne peut évidemment que deviner, et par l’ambiance de fête qu’elle engendre. La salle la récompense par de folles ovations. Le public de l’église américaine est beaucoup moins nombreux, mais réagit à bon escient. Rosetta, plus extatique ici, plus spirituellement engagée, est magnifiquement accompagnée par les Sally Jenkins Singers, qui l’appuient de leurs battements de mains, de leurs « yeah ! » bien placés, et qui savent dialoguer avec elle, prestation où excelle Sally de sa voix déchirée. Le second CD est loin d’atteindre ce niveau. La plus grande partie nous fait entendre deux choeurs, l’un plus sentimental que convaincu (les Down Town Sisters), et l’autre, anonyme, franchement imbuvable, noyant Rosetta dans un bain « angélique ». Il reste quelques heureuses réussites : les deux derniers morceaux, intenses, et un curieux duo avec Rex Garvin."

Par André FONTEYNE – SOUL BAG