« Arabesques, vertiges et enchantements » par Classica

Le premier CD de cet ultime coffret de l’extraordinaire intégrale de Django publiée chez Frémeaux s’ouvre avec une interview du génial Sinti, puis regroupe ses dernières séances, pour Blue Star (Barclay) et Decca, ainsi qu’une émission radio en direct du Grand Rex. Ces faces de 1953 où Django a adopté la guitare électrique constituent désormais son testament musical ; mais à l’écoute du futuriste et vertigineux Deccaphonie en compagnie de Martial Solal, en savourant les improvisations délicates, sereines, magnifiant Insensiblement ou Manoir de mes rêves, il paraît que ce qui passe aujourd’hui pour un chant d’adieu constituait en réalité une formidable promesse, l’annonce d’une modernité qui aurait probablement évolué encore au contact des bouleversements des années 1960. Si tout morceau où figurent deux mesures de Django est digne d’écoute, que dire de cette impressionnante somme gravée de janvier à avril 1953, bien enregistrée, où se déploient arabesques, vertiges et enchantements, où sans doute plus clairement et plus directement qu’ailleurs se fait entendre la palette unique de la guitare d’un être parfois imprévisible mais hors du commun qui consacrait alors une belle partie de son temps – le hasard n’y est pour rien – à la peinture. Les derniers actes donnent souvent son sens à l’existence qui les a précédés. C’est assez souvent vrai en musique aussi. Dans le cas de Django Reinhardt, c’est une lumineuse évidence. Le deuxième CD de ce coffret regroupant des raretés glanées de 1928 à 1933 fait irréversiblement naître le besoin de parcourir à nouveau cette vie musicale prodigieuse, depuis les premières gravures presque encore adolescentes au banjo-guitare jusqu’aux audaces du maître reconnu, adulé, dialoguant avec les modernes de son temps. CLASSICA