« Sa beauté et son timbre de voix captivent le public » Par France Musique

« Thérèse Gérard naît à Boulogne-sur-Mer en août 1912. Elle a deux ans lorsque sa famille s’installe en Rhénanie. Une enfance musicale : chant, violon et piano font partie de son quotidien. Très jeune, elle est attirée par les feux de la rampe, au point de se destiner à une carrière d’acrobate. Mais la musique et le chant finissent par l’emporter. En 1931, elle est engagée au Shéhérazade, cabaret de renommée où elle est remarquée avec son phrasé très singulier. Sa beauté et son timbre de voix captivent le public et lui ouvrent les portes des maisons de disques. Dès 1931 elle enregistre, chez Columbia, puis chez Gramophone et chez Pathé Marconi. Ses deux premières plages sortent en 1932 : Les prisons et Paris-Noël. Elle enregistre ensuite C’est la barque du rêve (1936), La Chapelle au clair de lune (1937, premier grand succès), Begin the beguine et Night and Day (1938). Elle se fait aussi un nom grâce à son sens de l’adaptation : c’est une des rares chanteuses françaises à s’aventurer sur le terrain des compositeurs américain, Harold Arlen, Hoagy Carmichael, Sam Coslow, Jimmy McHugh, Cole Porter, Jimmy Van Heusen, Harry Warren, Allie Wrubel et même Duke Ellington. Son talent est d’ailleurs reconnu Outre Atlantique où elle se produit. Durant la guerre, elle chante dans tous les grands music-halls, notamment à l’ABC, à l’Etoile, au Casino Montparnasse et aux Folies-Belleville. Elle est une des plus grandes vedettes de la France occupée. Je suis seule ce soir est sa chanson la plus connue de l’époque (1942). Titre emblématique des années de guerre, elle est destinée aux milliers des femmes françaises privées de leurs maris, emprisonnés en Allemagne. Son succès lui vaut aussi d’être sollicitée par le cinéma. En 1943, elle tourne dans Le Feu Nicolas de Jacques Houssin, et dans Les deux gamines, interprétant dans l’un et l’autre le rôle d’une chanteuse de cabaret.
À la Libération, on lui reproche de s’être produite dans des cabarets fréquentés par des officiers allemands et à Radio-Paris (station contrôlée par l’occupant). Soupçonnée de collaboration, elle est arrêtée et jugée. Elle est finalement acquittée. Mais sa notoriété et son image sont entachées. Sous le nouveau nom de Marjane, elle tente de relancer sa carrière. Plus tard, beaucoup la questionnent sur cette période ambiguë de sa carrière. En 1969, un journaliste lui pose la question : « Comment pouvait-on avoir le cœur à chanter ? ». Et la chanteuse de répondre, lapidaire : « Il fallait bien vivre ! ». »
Par Karine LE BAIL – (LES GRENIERS DE LA MEMOIRE) FRANCE MUSIQUE