« Une merveille » par Rock & Folk

Voici, tout simplement, la meilleure anthologie consacrée au rocker qu’on ait jamais vue. Celle d’EMI sortie dans les années 90 étant perfectible et très datée, « The indispensable » est donc le moyen idéal de s’enfiler tout Eddie. L’homme avait tout : belle gueule, voix polyvalente et ultra sexe, jeu de guitare éclectique et fougueux. Ce qui étonne chez lui, c’est le temps passé pour tout mettre en place. Là où Elvis avait sorti le meilleur de lui-même dès 1954, Cochran prendra plus de temps à trouver sa voie. Il y a les débuts country avec les Cochran Brothers, puis les reprises rock and roll et rockabilly (« Blue Suede Shoes », « Long Tall Sally »), beaucoup de morceaux de variété avec des chœurs masculins (« badaboum badaboum ») à faire passer les Jordanaires pour des sauvages, mais margré tout, le charisme du chanteur sauve invariablement l’ensemble. Il faut attendre 1957 pour passer aux choses sérieuses avec « Twenty Flight Rock » et « Jeannie Jeannie Jeannie », 1958 pour « Little Lou » et « Summertime Blues », 1959 pour « Teenage Heaven », « C’Mon Everybody », « Somethin’ Else », « Nervous Breakdown » et 1960 pour « Cut Across Shorty ». C’est là , durant ces dernières années fifties, qu’il atteint son sommet, avec des idées de production extrêmement modernes (de guitare acoustique, de la batterie jouée sur des caisses en carton, un écho phénoménal), des lignes de basse qui influenceront les Ramones et les Pistols (C’Mon Everybody ») et un chant au top : on le voit s’approprier certains des maniérismes de Jerry Lee Lewis (sur « Pretty Girl » ou « Jeannie, Jeannie, Jeannie », entre autres), qu’il surpasse allègrement, et sortir des riffs monstrueux. Le plus sidérant est de se rendre compte que Cochran, durant ces années, a 17, 18, 19, 20 ans. Lorsqu’il meurt sur une route d’Angleterre, accompagné de sa petite amie et de son pote Gene Vincent, il a seulement 21 ans … La maison Frémeaux, comme souvent, a sorti un mastering phénoménal (et a supprimé, sur la pochette de ce triple CD, l’affreux bandeau qui défigurait régulièrement ses grandioses anthologies) et le livret de Bruno Blum est impeccable. Une merveille.
Par Nicolas UNGEMUTH – ROCK & FOLK