« Un coffret vivement recommandé » par Django Station

« Après le coffret Muréna concocté par bibi, en voilà un consacré à Jo Privat : 3 cds couvrant les années 45 à 62 (et non pas 45 à 58 comme indiqué sur la pochette ? !). Le disque 1 débute par Sa préférée, magnifique valse qui sort en 78 tours en sept 45, premier succès d’un jeune accordéoniste qui sera vite surnommé le « roi de la valse » ; Privat va en effet en aligner un paquet, tant en majeur qu’en mineur, comme Nuit blanche, Mystérieuse, Cauchemar ou l’emblématique Balajo , autant de perles qui figurent sur cette anthologie supervisée par Dany Lallemand, également auteur d’un livret résumant la bio de Privat. Sur ces premiers titres, Privat est accompagné par Lucas à la clarinette, jacques Petitsigne à la contrebasse, Paul Boisgrosset au piano, Gaston Durand et Didi Duprat aux guitares ; on reconnait aisément la pompe imperturbable de ce dernier, l’accompagnement subtil (cf sur Cauchemar par exemple) et les petits chorus délicats (cf Douce ambiance, Atomic swing ou Souvenez-vous mama, adaptation de Yiddish mamé, célèbre mélodie du folklore juif) de ce fan de Django qui accompagna Warlop, Muréna, Azzola…et tout le gratin de la chanson française de l’époque. Orienté musique de danse (une facette importante du kamarade Jo), le cd 2 couvre les années 50 à 62 ; de belles réussites (bal petit bal de F Lemarque dans une version swing avec piano, clarinette et petit chorus de guitare, l’étranger au paradis, joli boléro extrait de l’opérette « Kismet » ou cette superbe Jazzwaltz de 55), côtoient adaptations de succès à la mode (Only you, Dors mon amour d’André Claveau…) boléros, mazurka, javas et autres polkas… aux arrangements et aux orchestrations très datés.
Les 10 premiers titres du CD 3 correspondent au légendaire 25 cm « Manouche partie » (un disque déjà réédité), ultime galette en 1960 d’un swing musette à la française qui vit ses derniers instants, et dont il faut saluer ici l’excellente restitution sonore ; une session historique avec 10 titres plus flamboyants les uns que les autres où tous les musiciens sont au top, spécialement le guitariste Matelot Ferret dont les chorus conjuguent subtilité, finesse et originalité. 4 titres supplémentaires mis en boite en 66, avec sensiblement la même formule, pour paraitre en 33t avec « Manouche partie » ne figurent pas ici, sans doute parce qu’ils ne sont pas encore tombés dans le domaine public. Pour les morceaux 11 à 18, retour en 58 (il aurait mieux valu suivre la chronologie et terminer ce coffret en apothéose avec « Manouche partie », le meilleur disque de Privat, assurément) et au registre de la danse voire du commerce avec un disque enregistré soit disant en public, mais en fait réalisé en studio, avec applaudissements et bruits de fonds assez pénibles rajoutés ; à part le vieux Léon, bel hommage à Brassens, le reste (boléros, pasos, tangos) ne méritait guère la réédition. Au final, un tiers des 54 morceaux aurait pu être avantageusement remplacé par d’autres titres de la période 45-50 comme Deby, Plaine o ma plaine, Impression gitane, Ballade nocturne… et surtout Dinalie Mineure, La folle, Panique et Turbulente zoé, 4 chefs d’œuvre de Baro Ferret que l’immense guitariste enregistra avec Privat en 49, ou encore les versions différentes et très réussies également de Balajo, Cauchemar, Mystérieuse ou de Rêve bohémien, titre ne figurant pas sur cette anthologie. Un coffret vivement recommandé, tout de même ! A quand une intégrale swing de Viseur, maintenant ? »
Par Francis COUVREUX – DJANGO STATION