« Des auditoires captivés par une voix pleine d’ardeur et de majesté » par Jazzmag

Mahalia est devenue une artiste d’envergure mondiale quand elle entreprend au printemps 1961 sa première tournée en Europe depuis neuf ans. A l’avenir, ses grandes consoeurs, de Rosetta Tharpe à Marion Williams, ne chanteront plus tout à fait sur le même plan qu’elle, faute de baigner dans la même lumière. Dans cette sélection de 14 faces en public à Stockholm et Paris, les spirituals de veines diverses voisinent avec des gospel songs adoptés depuis peu par la chanteuse, des reprises de sa période Apollo et un occasionnel standard de Broadway. Devant des auditoires captivés par cette voix pleine d’ardeur et de majesté, ce phrasé aux irrésistibles mélismes, Mahalia installe son climat et engage son corps, jouant de son souffle et frappant dans ses mains au creux du tempo, suivie ou devancée par le piano Mildred Falls. On a ici deux belles versions d’ « Elijah Rock », mais celle de Stockholm atteint au grandiose par son lyrisme en partie contenu. Le découpage mélodique de « Down By The Riverside » met en valeur une scansion très personnelle et « It Don’t Cost Very Much » revêt une puissante sérénité. Le concert suédois culmine avec « How I Got Over », qu’une Mahalia ovationnée prolonge à plaisir, comme c’est le cas d’autres thèmes dans les deux capitales. Sa force de projection se déploie aussi dans « He’s Right On time », emprunté à Dorothy Love Coates, dans « Didn’t It Rain » et une impressionnante reprise de « In My Home Over There », que la chanteuse enregistra à ses débuts.
Par Philippe BAS-RABERIN - JAZZMAG