« Un must ! » par ABS

De la Meuse au Mississippi, il n’y a qu’un pas, il a été franchi par Daniel « Elmore D » Droixhe il y a belle lurette, Patrick Frémeaux et Augustin Bondoux ont eu l’excellente idée de rassembler les enregistrements du bluesman liégeois parus de1997 à 2008. Elmore D a d’autres cordes à son arc, il est membre de l’Académie Royale de Langue et de Littérature Française de Belgique, il a été longtemps professeur d’Université comme philologue, historien des littérateurs du XVIIIe siècle et spécialiste en dialectologie wallonne. Il a beaucoup publié et il a composé un volumineux recueil de blues en wallon (un dialecte qui colle étonnamment bien au blues), ce qui, combiné à des talents de guitariste et de chanteur, l’ont propulsé sur scène avec un beau succès populaire qui demeure, tant en clubs qu’en festivals. Le premier opus intitulé « Basse-Moûse Blues » ( le Blues de la Basse Meuse, sa région) date de 1997 et propose des paroles « dans une anglais mélangé » (dixit Elmore D) dans un répertoire de pre-war blues bien choisi avec la chanteuse Sarah Taillard, le guitariste Gilles Droixhe, des harmonicistes (Renaud Lesire, Big Dave, Marc « T », Didier Heggerick au tuba, Christophe Foulon au piano et, à la batterie et percus, Jacky Lauzzana et Willy Maze. Toute la séance baigne dans une ambiance débridée et bon enfant. Le wallon fait irruption dans le Disque 2 (« Saturday Night Rub », 2000) avec cinq faces aux textes savoureux (les notes de pochette donnent la traduction en français). Pour le reste, un instrumental (Studio Rap) et des pre et post-war blues en anglais (Kansas Joe McCoy, Homesick James, Bo Carter, B.B. Broonzy…). Ces faces ont été enregistrées à Antwerpen (Anvers) en Flandre avec des musiciens flamands, la même bonne humeur débridée et un swing dévastateur habitent chaque morceau. La Belgique est le pays du surréalisme, on le sait, et Elmore D arrive à faire chanter des Flamands en wallon ! Il y a Lazy Horse (guitare, mandoline), Big Dave (harmonica), Marc T (washboard), Willie Maze (batterie). La montée en puissance du wallon est au sommet dans les disques 3 et 4, tous deux intitulés  “Tot K’Mahi” (Tout embrouillé). Le premier a été enregistré en studio en Provence de Liège en 2004 avec une belle brochette de musiciens dont Lazy Horse, Big Dave, The Goon Mat, Renaud Lesire, Gilles Droixhe, Renaud Patigny et quelques membres de Mississippi Heat (Pierre Lacocque, Steve Doyle, Stephen Howard, Kenny Smith), excusez du peu. Le disque 4 a quant à lui été gravé en live à Liège en 2003 et 2004 avec un groupe plus restreint, mais les faces interprétées sont en majorité les mêmes que celles du disques précédent. Inutile de dire que les deux albums sont splendides et s écoutent avec un plaisir sans mélanges. Enfin, le disque 5, « Grandiveus » (Bavard, grande gueule, 2008), est lui aussi entièrement en wallon et Elmore D est entouré de ses complices habituels : son fils Gilles (guitare), Lazy Horse (guitare, mandoline, basse) Big Dave (harmonica), W. Maze (batterie) et aussi Daniel Willem (violon), Steve et Jefferson Louvat (banjo, mandoline), Hein Koop (piano, orgue, accordéon), Renaud Lesire (basse) et Franky Gomez (batterie). Dans ses propres compositions, Elmore D aborde ave humour les problèmes de couples mais il donne aussi libre cours à son humanisme, à son militantisme anti-mondialisation, à son indignation devant la pauvreté, l’injustice, le fanatisme et à, son rejet d’une société matérialiste dominée par l’argent et par le clientélisme des politiciens de tous bords. Le tout est enveloppé dans un humour grinçant et dévastateur (« Prends ce marteau, Grivèlerie, Les bêtes n°1, Ce ne sera jamais plus comme dans le temps, Herstal, Gros Louis, Le hokum du G.B., Bonjour Wallonie, etc. »). Festif et édifiant. Un must.
Par Robert SACRE – ABS