« Chaque note rend un hommage lascif à la beauté » par Télérama

« Une anthologie rend hommage à cet héritier oublié de Coleman Hawkins, qui faisait du saxophone ténor une arme de séduction massive. Don Byas apparaît comme le grand oublié de l'histoire du saxophone ­ténor, où il se situe idéalement entre Coleman Hawkins et Sonny Rollins. Né en 1912, il commença très tôt mais ne réalisa son premier enregistrement qu'assez tard, en 1938. De 1941 à 1943, il succéda à Lester Young dans la section de saxophones du Count Basie Orchestra. Il y fit merveille. Sa sono­rité avait la majestueuse beauté d'une cathédrale, il en jouait avec un art consommé. On s'en fait d'emblée la meilleure idée en l'écoutant interpréter vingt-quatre mesures dans Harvard Blues (1941), où il précède le chanteur Jimmy Rushing, à la voix éraillée. Cette façon de composer un chorus avec une imparable logique tout en jouant la ­séduction du son pour le son, on la ­retrouve tout particulièrement dans les ballades, mais aussi dans les tempos TGV, comme Cherokee, qu'il dévale en schuss digne de Charlie Parker. Stylistiquement, il reste un héritier de Coleman Hawkins, dont il n'abandonnera jamais le phrasé haletant, même quand il joue avec des boppers comme Dizzy Gillespie. Autre virtuose de ­l'instrument, Johnny Griffin voyait en lui un maître, « l'Art Tatum du saxophone ­ténor ». En 1946, insatisfait de sa carrière aux Etats-Unis, Don Byas s'établit à Paris et ne quitta plus l'Europe ; il mourut en 1972 à Amsterdam. L'anthologie qui lui est consacrée chez Frémeaux & Associés lui rend pleinement justice. Sur la ­ballade Laura, qui fut son cheval de ­bataille, ou plutôt son irrésistible instrument de séduction, il déploie toutes les ressources de son art, donnant le sentiment que chaque note rend un hommage lascif à la beauté. »
Par Michel CONTAT - TELERAMA