« Authentiques merveilles » par Le Son du mond

« Refusée par le pouvoir blanc à un parcours de concertiste classique (une anecdote sujette à caution), Eunice Kathleen Waymon se consacre alors à l’univers du jazz. Un fort coffret et une biographie rappellent ce que la musique afro-américaine y a gagné. Elle fut hautement impressionnée par la prestation de Simone Signoret dans Casque d’Or  et lui chipa son prénom. Mais l’analogie, dans sa fréquentation de lieux mal famés à clientèle trouble, et par une personnalité fantasque mais conquérante, va plus loin qu’un simple étiquetage, pour une artiste qui se battit toute sa carrière durant pour obtenir son autonomie financière et artistique. L’éditeur Frémeaux nous le rappelle ici, qui remet, éclairé par les notes d’Olivier Julien comme autant de guides de l’entreprise, de l’ordre chronologique dans les sept premiers albums de la dame en 70 plages (y adjoignant, cerises sur le gâteau, sept refrains uniquement édités FAAen 45 tours, le tout remarquablement remastérisé). On pourra être de prime abord satisfait de retrouver ici la bien connue version de « My Baby Just Cares For Me », ou du plus modeste succès « Little Girl Blue », mais les authentiques merveilles sont à dénicher ailleurs : dans la bouleversante profondeur du chant, dans ses visites de l’univers du Duke (Nina Sings Ellington), et dans cette atmosphère dramatique dont était coutumière la jeune femme, alors simplement âgée de 26 ans. Éclate également au grand jour, si besoin était, la capacité de la chanteuse et pianiste à dérouler ses qualités de femme de spectacle, et les ponts en permanence jetés entre la musique savante européenne et le jazz. Trois albums indispensables. »
Par Christian Larrède – SON DU MONDE