De par la longue et riche carrière musicale qui est la sienne, notamment marquée par ses trente-cinq années passées au sein du big band de Claude Bolling, le saxophoniste alto Claude Tissendier mériterait bien de figurer au Guinness des records. Nostalgie, quand tu nous tiens... il ne peut donc s'empêcher d'honorer, une nouvelle fois, son ancien chef d'orchestre avec cet opus consacré à ses compositions. Pour ce faire, il s'est entouré de musiciens ayant gravité, de près ou de loin, à cette sphère musicale. J'ai nommé : Éric Levrard (saxo baryton), Philippe Milanta (piano), Pierre Maingourd (basse), Alain Chaudron (batterie) et, en guest, la chanteuse Faby Médina.
Nous avons donc affaire à un sextet chevronné, tous vieux routiers de The thing et cela s'entend. La plupart des compositions sont de bonne facture avec, pour certaines, des connotations ellingtoniennes bienvenues. On retrouve avec plaisir un instrument bien oublié en petite formation : le saxo baryton et sa sonorité pleine, ronde et charnue qui se marie fort bien avec le saxo alto du leader. Bowling green en est l'archétype avec ses unissons par les deux souffleurs et joliment soutenus par le piano de Philippe Milanta. Bis repetita lors de Let's swing it avec des ponctuations du pianiste dont le jeu économique nous rappelle Count Basie avec, çà et là, la note idoine, placée au moment opportun. The key est une face plaisante où Claude Tissendier développe un discours fluide et élégant, parfaitement appuyé par le baryton d'Éric Levrard. Au vocal, Faby Médina intervient avec une belle assurance, de sa voix chaude et glamour, dont la prestation est soulignée par les deux saxes. Feed the cats, titre éponyme du disque, qui double entrée, est un peut se lire des meilleurs de l'album, tant par sa mélodie que par le jump déployé par Claude Tissendier tout du long. Solo bien construit par le baryton où flambe aussi Philippe Milanta. Le titre Paris en bouteille est un sympathique clin d'œil à Pierre Bouteiller. On se souvient de ce regretté présentateur radio, passionné de jazz, dont les émissions étaient frappées au coin du bon goût et, dont les commentaires étaient toujours aussi mesurés que pertinents. Le leader déroule de façon limpide et Philippe Milanta prend un bon solo d'une patte très personnelle. In fine, City life est une face guillerette, prise sur un tempo médium/rapide, qui est un bon tremplin pour les deux saxes et, tout autant, pour le pianiste. La prestation d'ensemble est de haute tenue et la composition du sextet, plutôt originale, apporte beaucoup de fraîcheur à cet album. Enfin, saluons Frémeaux & Associés pour la qualité et le soin qu'ils apportent à leurs productions.
Christian Sabouret – Bulletin du Hot Club de France
