« À 96 ans, le plus célèbre des pianistes français se livre à travers sa première autobiographie. Martial solal a passé l’âge d’être faussement modeste, et le fait sentir en retraçant son siècle de jazz. Si le récit met un peu de temps à décoller (on comprend la lassitude de l’homme qui doit conter pour la millième fois son enfance et ses débuts en musique), il est digne d’intérêt. Comme au piano, Martial Solal ne cherche plus l’exhaustivité, et évolue dans une galerie de portraits choisis, faisant le yoyo entre les années. Souplesse de la forme et rigueur factuelle. Il défend certains noms qui semblent aujourd’hui anecdotiques à côté de ceux qui nous font frémir (et nous rappellent toujours à quel point Martial Solal fut rapidement intégré à la mondialisation du jazz). Son vécu du jazz, c’est aussi une sorte de roman initiatique, où l’on retrouve avec plaisir des talents de narrateur éprouvés. Ce témoignage essentiel aborde avec lucidité des thématiques essentielles de l’histoire du jazz. Que signifie le parcours de ce pianiste devenu plus français en devenant l’icône d’un jazz national (et parisien) face à l’hégémonie américaine, elle-même représentée par des musiciens de couleur venant trouver refuge en Europe ? Ce récit du temps long permet de comprendre l’évolution de notre musique, de ses lieux et de ses pratiques, mais surtout de se musiciens. Car si Martial Solal termine son œuvre sur une certitude, c’est bien celle de n’avoir jamais cessé d’ « apprendre à jouer du piano ».
Par Walden Gauthier – Jazz Magazine