« Irrésistible et passionnant » par Paris Move

« Événement: le prolixe et érudit Alain Gerber (par ailleurs directeur artistique de la collection jazz “The Quintessence”, chez Frémeaux), se fend à nouveau d’une de ces foisonnantes exégèses dont il a le secret – cette fois à propos de la bossa, à laquelle on adjoignit à sa naissance l’épithète nova. Bossa nova (littéralement “nouvelle vague” en portugais), ou l’histoire d’une révolution douce, initiée en catimini dans les faubourgs de Copacabana au mitan des années 50. Sous la présidence de Juscelino Kubitschek, le Brésil connaissait alors un vent de libéralisme (terme n’ayant alors guère à voir avec son acception antagoniste de nos jours). De même qu’en Europe et aux États-Unis à la même période, la jeunesse y aspirait à l’émancipation, et sous ses latitudes tropicales, la langueur nonchalante avec laquelle ses créateurs portèrent la bossa sur les fonds baptismaux séduisit d’abord la génération montante, animée d’une bourgeonnante soif de vivre. Le phénomène aurait pu rester cantonné à son berceau originel, sans la concordance de facteurs exogènes qui lui conférèrent bientôt un impact planétaire. Suscitée par la créativité de fondateurs tels que Johnny Alf, Antônio Carlos Jobim, Vinicius de Moraes et João Gilberto, la bossa bénéficia d’un porte-voix inespéré lorsque le film de Marcel Camus, “Orfeu Negro” (d’après la pièce de théâtre quasi-éponyme de Moraes) remporta en 1959 la Palme d’Or du Festival de Cannes, et l’Oscar du meilleur film étranger (ainsi qu’un Golden Globe Award) l’année suivante aux États-Unis. Il n’en fallut pas davantage pour qu’une tripotée de jazzmen à la coule (ceux du cool en tête) ne s’emparent à leur tour de ces rythmes nouveaux. Dizzy Gillespie, Sonny Rollins, Coleman Hawkins, Quincy Jones et Zoot Sims emboîtèrent ainsi le pas à Stan Getz et Dave Brubeck, pour propager une vogue qui n’allait dès lors pas tarder à gagner le monde entier. C’est la genèse de cette contagion que dépeint ce coffret double, en partant de ses fondateurs Brasileiros sur son premier CD, avant de passer en revue un échantillon significatif de ses perpétuateurs Nord-Américains sur le second. En 32 pages et 45 titres, aussi sourcé et pertinent que pédagogue, Gerber esquisse dans le copieux livret cette aventure, dont l’ouvrage dix fois plus épais qui l’accompagne (chroniqué ICI) retrace plus avant les origines, développements et ramifications. Irrésistible et passionnant : à lire et écouter en ondulant des hanches et des épaules… »
Par Patrick DALLONGEVILLE – PARIS MOVE