« Avec Frémeaux, c’est du sérieux » par Trad Mag

Ne produisant plus grand-chose de nouveau musicalement, notre époque explore son passé. Une démarche facilitée par le passage dans le domaine public d’un nombre croissants d’œuvres. Une compilation de plus, direz-vous. Sauf qu’avec Frémeaux, c’est du sérieux. Ce label confie le boulot à un spécialiste ; en l’occurrence, Bruno Blum pour ce coffret. Ce dernier a sélectionné dans un ordre chronologique les quatre-vingt-quatre morceaux de cette anthologie. On y retrouve des classiques des cadors du style (Gene Vincent, Carl Perkins, Eddie Cochran, Elvis Presley, etc.) ainsi que les titres aussi lumineux qu’obscurs de musiciens oubliés (Joe Clay, Charlie Feathers…) Pour chacun de ces morceaux, sont indiquées les noms des musiciens et la date d’enregistrement. Le tout est mis en perspective dans un livret de treize pages, traduit en anglais. Largement interprété par des artistes blancs et véritablement lancé par Elvis en 1954, le rockabilly fusionne de manière unique, simple et efficace les musiques populaires noires et blanches. Le mot « billy »vient de « hillbilly », chanson blanche du sud, et le terme « rock » de « rock’n’roll » (« balancer, rouler »), genre de la culture afro-américaine, quasi inconnu du public blanc en 1954. N’oublions pas que la ségrégation raciale (la séparation physique entre personnes de couleur différente) sévit toujours à cette époque, quatre –vingt-neuf ans après l’abolition de l’esclavage. Le style se caractérise par un rythme rapide entre country et boogie-woogie, une façon de chanter assez brute, ainsi qu’un répertoire emprunté au rock noir et au gospel, un son sauvage avec contrebasse slappée (cordes claquées) et guitare au son clair se fendant d’un chorus plus ou moins saignant en milieu de morceau. Cette esthétique est assez limitée (la monotonie nous gagne quelque peu à l’écoute de ces titres souvent construits de la même façon). Elle ne durera que quelques années (1956 restant l’année phare ; quarante-cinq des morceaux ici sélectionnés). Mais elle ouvrira les portes dans les décennies suivantes à pas mal de revival et de sous-genres. Bien sûr, les amateurs du genre ont déjà tout cela ou presque. Mais voilà pour notre belle jeunesse une occasion parfaite de découvrir la crème du rockabilly originel.
Par Francis COUVREUX – TRAD MAG