« Avec la majesté qui lui appartient » par Jazzmagazine -Jazzman

Guère encline à se produire dans un music-hall par scrupule religieux, Mahalia Jackson se prêtait néanmoins, en 1960, à des mises en scène orchestrales dignes des superproductions les plus profanes. A sa décharge, cela se passait à Hollywood sous la tutelle de Columbia et d’un chef d’orchestre-arrangeur bien établi, Percy Faith, qui n’avait pas la baguette légère. On note aussi que l’album « The Power and The Glory », dont ce CD achève la réédition commencée avec le volume 10 de l’intégrale en cours, connut un très gros succès commercial. La chanteuse avait joué le jeu en choisissant les hymnes chrétiens chantés dans l’ensemble des communautés américaines, et elle en tire parti sur un strict plan vocal avec la majesté qui lui appartient, par exemple dans « Nearer, My God, To Thee ». Mais on ne sublime pas tout : cordes et choristes, arrangements ivres d’emphase ou rythme de marche triomphale donnent aujourd’hui à ces plages un côté crème pâtissière  servie dans un hôtel de fiction.
Trois mois plus tard et toujours à Los Angeles, Mahalia réalise un autre album, « I Believe », avec Johnny Williams, jeune arrangeur appelé à triompher dans la composition de musiques de films auprès de George Lucas et Steven Spielberg. L’homme s’adapte mieux à la reine du gospel et dissipe les lourdeurs de Faith au profit d’une touche de jazz, sans pour autant chasser toute violonade ou intrusion chorale superflue. La présence de la pianiste Mildred Falls et de l’organiste Louise Weaver profite à un répertoire où figurent plusieurs thèmes déjà enregistrés par Mahalia précédemment. Parmi ces reprises, « I See God » et « I Asked The Lord » sont celles qui marquent le renouveau le plus net avec une curiosité assez réussie, « My God And I », adaptation du folklore lituanien délivrée du cadre orchestral.  
Par Philippe BAS-RABERIN – JAZZMAGAZINE - JAZZMAN