« Bolling prend la Suite » par La Semaine des Spectacles

Et cette Suite, c’est la « Black, Brown and Beige », l’une des œuvres les plus importantes issues de la plume fertile de Duke Ellington et en même temps l’une des compositions les plus ambitieuses et achevées de la musique de jazz. De la dramatique condition des esclaves au réconfort de l’église, de la tristesse du blues à la joie de l’émancipation, de la douleur à l’espérance, c’est au sein de la société américaine, le difficile chemin du peuple noir des Etats-Unis dont Duke Ellington donne une image sonore saisissante et dont la palette de couleurs va bien au-delà du camaïeu que le titre suggère… Cette œuvre foisonnante de richesses, de par son importance peu jouée, qui mieux que Claude Bolling pouvait la faire revivre aujourd’hui pour nous ? A la tête de son grand orchestre où se retrouvent les plus prestigieux jazzmen français, Claude qui, depuis qu’il pianotait en culottes courtes, a toujours eu pour Ellington infiniment d’admiration et de respect, vient d’enregistrer la « Black, Brown and Beige » et les raisons qui font de ce disque CD un événement sont nombreuses : la re-création de la musique du Duke dont Bolling a une si intime et totale compréhension, la redécouverte d’une œuvre qui a marqué l’histoire du jazz et le plaisir que l’on éprouve à l’écoute d’un enregistrement bénéficiant des sonorités chatoyantes dont la technique d’aujourd’hui restitue chaque nuance. A l’écoute de la bande, Mercer Ellington, le fils du Duke qui dirige aujourd’hui la célèbre formation, a tenu spontanément à écrire le texte de présentation du disque. Il le termine en ces termes : « … Merci à ‘Frère Bolling’ de contribuer à garder vivant le génie de Duke Ellington… Il faut un génie pour comprendre un génie ! »
Henri MARCHAL – LA SEMAINE DES SPECTACLES