« Chet for ever… » par Le Journal du Dimanche

Voici vingt ans, s’éteignait, à Amsterdam, dans des circonstances restées mystérieuses, le trompettiste Chet Baker. Avec lui disparaissait l’un des solistes les plus lyriques de l’Histoire du Jazz qui, dès les années cinquante, s’imposa par la délicatesse de son jeu et le dépouillement de sa sonorité. Pour marquer cet événement, les éditions Frémeaux ont réuni, dans un double album, trente-cinq titres gravés entre 1953 et 1956 par ce héros romantique de la trompette au visage de James Dean. A moins de vingt-cinq ans, Chet était considéré, aux Etats-Unis, comme le numéro un de l’instrument, devançant Miles et Dizzy dans les referendums des revues spécialisées ! Entre be-bop et cool, tant en leader de son premier quartet avec le pianiste Russ Freeman ou en duo avec Zoots Sims, sur fond de cordes, ou en sextet avec Art Peper, ou enfin à la tête d’un big band composé des meilleurs solistes de la West Coast, Chet Baker improvise avec élégance et certitude métamorphosant les standards les plus connus en purs joyaux mélodiques, tels « But not for me », « Lover man », « My funny Valentine »,  « Everything happens to me » ou encore « Tenderly ». Admirable interprète de ballades, Chet Baker grave, à cette époque, ses premiers vocaux nous offrant pas moins d’une dizaine de thèmes qu’il murmure de sa voix androgyne, prolongeant le lamento de sa trompette au point de se confondre avec elle… « Je ne sais pas si je suis un trompettiste qui chante ou un chanteur qui joue de la trompette - disait Chet - avouant j’aime faire les deux ». Si la plupart des morceaux interprétés par ce trompettiste de la confidence qui n’avait pas encore sombré dans la drogue, ont été gravés à Los Angeles, cinq d’entre eux l’ont été à Paris, inoubliables moments de bonheur, témoins précieux du premier contact entre le jeune soufflant de l’Oklahoma et le vieux continent. Cela nous vaut quelques beaux échanges entre ce merveilleux styliste avec la fine fleur du jazz français, les pianistes René Urtreger, Raymond Fol, le saxophoniste Jean-Louis Chautemps et le contrebassiste Pierre Michelot. Des chefs d’œuvre éternels ! Jean-Claude DE THANDT (DOCTEUR JAZZ) – LE JOURNAL DU DIMANCHE