« De la très belle ouvrage en tout cas » par Jazz Classique

Voici donc revisités, et Hollywood et le fenestron-belle-époque, exercice périlleux s’il en est, doublé d’un travail d’arrangeur de titan. Mais à tout seigneur, tout honneur et ce, dit en termes culinaires, nous n’avons pas ici affaire à une quelconque brochette (ils sont dix-sept !), mais à un véritable gratin, alors amis gourmets, cette présentation en guise d’hors-d’œuvre : Christian Martinez, Guy Bodet, Michel Delakian (tp), André Paquinet, Benny Vasseur, Jean-Christophe Vilain, Emile Vilain (tb), Philippe Portejoie, Claude Tissendier, Pierre Schirrer, Romain Mayoral, Jean Estève (anches), Jean-Pual Charlap (g), Pierre-Yves Sorin (b), Vincent Cordelette (dm), Laïka, Jeffrey Smith (vo) et le maître au piano, bien sûr. Pour commencer, ce dilemme : devait-on remaker ces airs que tout un chacun, ou presque, pourrait siffler à la croche pointée près ? Question, d’autant que les plus grands s’y étaient frottés (Duke, Basie, Bechet, etc.), avec plus ou moins de bonheur, vrai aussi. Oui, certains s’y étaient prêtés, mais cela n’avait pas toujours rendu… Toutefois, lorsque Bolling fait son cinéma, ses films, même s’ils n’ont pas vraiment bouleversé le 7e Art – ça n’est de loin pas leur prétention -, méritent toutefois quelques arrêts sur image et même un zoom avant sur les mains de ce pianiste sur lequel une critique crasse a trop souvent tiré : ainsi la superbe intro de Borsalino et même une partie « stridante », suivie d’un clin d’œil dixie, agrémenté de forts jolis 4-4 saxes-clarinette. Ou encore, avant que n’arrivent les Siberias (1) de l’entracte, une West Side Story, entre nous magistrale, avec le gracieux concours d’une Maria aux anches déchaînées. La chanson de Lara est elle, carrément exécutée – Jarre joué à pleins pots -, car, ouille ! voilà qu’un très vilain soprano sévit et, « grâce » à lui, on pourrait avoir quelque tendance à s’agiter la zappette… De plus, l’ensemble est lourd, de même La chanson des jumelles qui souffre elle, d’une « batterite aiguë » - et la cordelette cherra ( ?) – pas trop heureuse. Nous n’insisterons pas plus sur les interventions vocales, notamment celle de Raindrops… et, dans une moindre mesure (la 5e) de la diabolique Old Devil Moon qui aurait dû/pu n’être qu’une vallée du bonheur – les larmes, c’est à gauche… Mais que surgisse alors La panthère rose, agrémentée de notes bleues en sourdine, et voilà que… pink (!), le félin rugit d’aise et de plaisir sur un très bel arrangement qui ronronne. Suivent la panthère, le Tigre et ses brigades d’anthologie. A ce propos, comme il eut été heureux de consacrer les cinq dernières minutes de cet album au générique bluesy à souhait qui annonçait Bourrel, alias Raymond Souplex dont la silhouette familière évoquait Ben Webster… Voici pour les regrets. Quant à The Entertainer (trop entendu ?), il me fait repenser à ce que répondait Scott Joplin à mon arrière-arrière-grand-père paternel, alors correspondant suisse de Sedalia Enquirer (en date du 3 février 1905), qui s’était risqué à demander au grand-oncle de Janis : « Croyez-vous ‘faire du Jazz’ ? », et qui avait eu pour toute réponse, un laconique, cinglant et … rageur : « Je ne connais pas ce terme ! », allez comprendre… Et pourtant, les faits sont là, je n’invente rien. Alors ces Cinema Hits, du jazz ? me demanderez-vous à votre tour, la bobine pleine de pellicules. Oui et non. « Enfin, peut-être quand même bien un peu », serais-je tenté de répondre (et j’y succombe) en un normand approximatif, tant « notre » Musique rôde ici en permanence, à l’image d’un Robert Mitchum dans cette « Nuit du chasseur » qui pourrait bien être le West End Blues de l’écran classique, sinon sa Black And Tan Fantasy. Oui, alors alors, ces Cinema Hits ? Eh bien, de la très belle ouvrage en tout cas, doublée d’une jolie performance d’acteurs. En conclusion, même si hâtive, ce CD, on l’aura compris – j’aillais écrire Laura ! - , jazz parlant pas trop indispensable, est réservé uniquement aux bollingolâtres et ils sont nombreux, tant le bon goût est (aussi) français. Ladite précieuse galette de 35 mm est accompagnée d’un livret franco-anglais, signé Stéphane Lerouge, une couleur appropriée entre nous, ne serait-ce que pour signaler les trop nombreuses coquilles qui e-maillent ce texte, tout en faisant re-marqueur au passage que Frémeaux – ce qui n’hot en rien notre admiration pour son travail exceptionnel -, est loin d’être une maison de correction(s)... Allez va, époque d’élections oblige, une Nuit américaine, ça n’est pas tous les jours !
Roland HIPPENMEYER - JAZZ CLASSIQUE

(1) Esquimaux suisse (ndlr)