« Elle touche à son sommet » par Jazzmagazine Jazzman

Pionnière avant-gardiste et post-moderne, telle est Mary Lou. 1927 : à dix-sept ans, elle prête aux Jeanette’s Synco Jazzer un piano pétri de stride et déjà contaminé par Earl Hines. Jean-Paul Ricard qui signe cette réédition, assisté de Jean Buzelin, nous la fait réentendre dix ans plus tard avec Andy Kirk et ses Twelve Clouds of Joy pour lesquels elle compose Walkin’ and Swingin’ dont Charlie Christian (qu’elle commanda à John Hammond ) reprendra un motif comme thème-riff des jam sessions du Minton’s (Down On Teddy’s Hill qui deviendra le Rhythm-a-Ning de Thelonious Monk). Mais voilà déjà huit ans qu’elle est la pompe à bonheur des Douze Nuages de joie de Kirk. En 1940, dix euphoriques cumulus de cette sélection plus loin (Twinlin’ et son piano gambadant pieds nus dans les premières vaguelettes de la plage, Mary’s Idea qui distille l’esprit de Kansas), prenant la tête de Six Men and a Girl et des Kansas city Seven, elle donne des ailes au Baby Dear de Bennie Moten  et à son nouveau mari, Harold « Sorty » Baker (tp). Entre-temps, en solo et trio, elle réinvente blues, boogie et stride qu’elle n’abandonnera jamais tout à fait (merveilleuses reprises de The Pearls de Jelly Roll Morton ou de Blues Skies d’Irving Berlin, post-modernisme de Lonely Moments, sans oublier Waltz Boogie). Elle touche à son sommet en 1944 avec les faces Asch en petites formations que vous que vous ne tarderez pas à compléter sur le site folkways.si.edu, notamment pour l’intégrale des trios avec Al Hall (b) et Bill Coleman (tp), pour la première partie d’un génial Stardust dont ne nous est révélée ici que la seconde enluminée par un Don Byas jonglant avec la Grande Ourse et pour in arrangement sur Lady Be Good avec Coleman Hawkins qui se l’attribuera quelques jours plus tard sous le titre Rifftide (et dont Monk qui à l’époque jouait chez Hawkins et buvait souvent dans le même verre que Mary Lou, fera son Hackensack). Jean-Paul Ricard nous présente encore que les « signes » de la Zodiac Suite, en trio avec l’orchestre pré-Third Stream (dont les poussées bebop aboutiront plus tard auprès d’Idrees Sulieman et Mundell Lowe et jusqu’au sein de Dizzy Gillespie Orchestra). Viendront encore Kool en trio, des reprises de ‘Round about Midnight’ et ‘Lady Bird’, etc. Je ne vais tout de même pas vous raconter la fin. ALFRED SORDOILLET - JAZZMAGAZINE/JAZZMAN