Il n'y a quasiment que des chefs-d'oeuvre par Jazz Classique

[...] On ne va pas s’attarder sur la musique (il n’y a quasiment que des chefs-d’œuvre) car, ce qui fait d’abord la pertinence d’une telle sélection, c’est son rapport au sujet traité : l’importance de Harlem dans la scène jazz des années trente et quarante. L’autre point capital dans ce genre d’entreprise étant la qualité du livret. Pour ce qui est des choix même fait par Jacques Morgantini, l’importance de Harlem dans la scène jazz des années trente et quarante. L’autre point capital dans ce genre d’entreprise étant la qualité du livret. Pour ce qui est des choix fait par Jacques Morgantini, la plupart étaient l’évidence même. On peut toutefois s’étonner, notamment de la présence des faces de Little Walter et B.B King, enregistrées ailleurs et en rien représentatives de la musique en vogue à Harlem même si, comme des centaines d’autres, ils sont passés à l’Apollo. Ceux qui connaissent Jacques Morgantini, ancien n°2 du HCF, ne s’attendaient pas à trouver ici du be-bop, malgré le Monroe’s, le Minton’s… Mais le plus regrettable. Le livret s’ouvre par deux pages d’introduction manifestement écrites par quelqu’un totalement étranger au jazz puisqu’on lit cette phrase ahurissante : "Harlem devient le point de démarrage de tous les plus grands musiciens noirs-américains." C’est nous qui soulignons. On comprend mieux ce "tout " quand, dans la liste qui appuie cette affirmation, on lit les noms de B.B. King, Count Basie, Louis Armstrong… Le texte suivant, signé Jacques Morgantini, est heureusement plus approprié. Onze pages de bonne vulgarisation, riches, claires et donnant envie d’écouter la musique. Je ferai toutefois deux petits reproches. Ella Fitzgerald ne fut pas découverte à l’Apollo mais au Harlem Opera House, où se déroula le fameux concours pour lequel elle s’était inscrite comme danseuse, et où elle fit ses débuts professionnels. Le chapitre intitulé « Le déclin de Harlem », le seul un peu brouillon, se perd en anecdote et oublie certaines des causes (démographiques, économiques, musicales, etc.) de ce déclin. En revanche, il aurait gagné à n’être pas conclu par cette affirmation oiseuse : "Les clubs ont été victimes de la vogue be-bop." Si le be-bop avait été si en vogue que ça, au point d’amener les patrons de club à na plus engagés les orchestres qui avaient fait la réputation de Harlem, il aurait amené du monde dans ces clubs au lieu de les faire fermer. Malheureusement, à Harlem, le be-bop a été une victime, au même titre que les autres formes de jazz. L’évolution des goûts musicaux, à laquelle Harlem ne s’est adapté, est effectivement une raison de ce déclin. Mais n’imaginons pas que les nombreux amateurs de musique qui délaissaient le jazz de Cab Calloway ou de Willie Smith étaient tous des admirateurs de Theleonious Monk ! Je sais bien que quelques musiciens (pas tant que ça) ont jadis parlé de be-bop en des termes similaires (et ils ont en général changé d’avis avec le temps). On peut comprendre leur aigreur. Il n’est pas facile d’accepter la diminution des engagements, du succès et le temps qui passe. Mais, quand on écrit dans les Pyrénées, en 2007, sur cette lointaine question, on devrait pouvoir oublier les querelles obsolètes. Jacques Morgantini me fait parfois penser à ce combattant japonais que l’on a retrouvé dans je ne sais quelle jungle. Il ignorait que la seconde guerre mondiale était terminée depuis un demi-siècle. Guy CHAUVIER - JAZZ CLASSIQUE