« Indispensable » par Djangostation

« Bonne idée que ce coffret consacré à Michel Warlop dans la collection Quintessence dirigée par Alain Gerber, d’une part parce que ce violoniste dont on ne parle pas assez, y a assurément sa place aux côtés des grands du jazz, d’autre part parce que les deux CDs sortis il y a quelques années (Emi jazz archives et Emi jazz time, que ce coffret reprend très largement), n’étaient plus disponibles depuis pas mal de temps. Et puis il y a le copieux livret, précis et érudit de Daniel Nevers, avec dates d’enregistrement, personnel, N° de matrice, mais sans aucune photo, hélas…du travail sérieux, quoi ! Tourmenté, insatisfait et fragile, Michel Warlop (né en 1911 à Douai), a traversé la musique comme un météore, nous quittant prématurément en 1947 (1). Promu à une brillante carrière de concertiste après avoir fréquenté les conservatoires et accumulé toutes les distinctions, le jeune Warlop découvre le jazz et franchit le pas au début des années 30 ; cette musique ne nourrissant pas son homme, il fait bouillir la marmite en accompagnant chanteurs et chanteuses (cf ici les plages quelque peu anecdotiques avec J Tranchant, Pierre Mangand, Les Chanterelles ou A.Claveau) ; c’est au cours de ces séances qu’il croise la route de Django Reinhardt ; ces deux musiciens exceptionnels se retrouveront sur le terrain du jazz, mais pas très souvent, la place étant déjà prise par un certain Stéphane Grappelli ! D.Nevers voulant présenter un panorama de la carrière d’un Warlop (2) qui n’est pas seulement un violoniste exceptionnel mais un chef d’orchestre, un arrangeur et un compositeur, on ne les entend ici que sur 4 titres ; c’est dommage car c’est bien aux côtés de Django que le violoniste s’autorise les plus folles improvisations (cf Taj Mahal, « preuve absolue de la parenté souterraine, invincible, totale, liant à jamais les deux musiciens »). A l’opposé du phrasé tout en sinuosités de Grappelli, celui de Warlop manifeste un lyrisme exacerbé et une tension exaltée qui exprime un spleen poignant (cf le sombre Désespérance, teinté de tsiganisme, qui porte bien son nom, et Doux souvenir avec un Django impérial) ; dans un article paru il y a quelques années dans la revue allemande Hot Club News(3) le regretté Jacques Bourgeois décrivait très justement son style comme » virtuose autant que funambule, toujours en quête d’insolite ». Si Warlop rêve de grand orchestre (cf son swing concerto enregistré en 42 avec un ensemble de 60 musiciens, mais qui ne sera diffusé qu’en 89 !), il est tout aussi à l’aise en petit comité, où ses impros audacieuses font merveille. Sa grande affaire sera son septuor à cordes qu’il crée en 1941, un orchestre d’une totale originalité, différent de ce qu’a apporté le quintet à cordes de Django et Grappelli, car comprenant 4 violons, 2 guitares, une basse (et la harpe de Pierre Spiers à partir de 42), une formation qui va lui permettre de mêler les genres (le savant et le populaire) et d’exercer ses talents de compositeur (cf le swingant Christiana ou Prise de courant qui a des petits airs de Minor Swing) d’orchestrateur, passant « des dissonances de la virtuosité swing aux harmoniques les plus subtiles »(cf l’étourdissant Kermesse) et de soliste (chorus fougueux conjuguant lyrisme et musicalité). Indispensable, of course ! »
Par Francis COUVREUX - DJANGOSTATION