« L’agencement des titres fait bonne part aux rapprochements et aux contrastes » par Soul Bag

Ce triple CD Frémeaux consacré aux chanteuses-pianistes fait suite au « Jazz Ladies 1924-1962 », centré sur les femmes instrumentistes. Parmi les pianistes, celles qui sont ou deviennent aussi chanteuses grandissent en nombre dans les années 1940, précédées par les pionnières durant les premières décennies du disque. La sélection proposée par Jean-Paul Ricard et Jean Buzelin va du jazz orchestral et du stride au blues de diverses factures, du gospel au R&B et à la chanson-standard. De Cleo Brown à Nina Simone, en passant par Lil Armstrong, Arizona Dranes, Julia Lee, Martha Dais, Hadda Brooks, La Vergne Smith ou Blossom Dearie, l’agencement des titres fait bonne part aux rapprochements et aux contrastes. En 1938, Lil Armstrong n’est plus aux côtés de Louis le Grand, mais elle chante d’une voix nette à la tête d’un Swing Orchestra où l’entourent des musiciens du calibre de Buster Bailey et Wellman Braud, ce qu’elle fera encore en 1961. Julia Lee, cette perle de Kansas City, ne déçoit jamais, son jeu de piano entre McShann et Basie s’accorde en souplesse avec son chant tonique et plein de fantaisie. Martha Davis, protégée de Fats Waller qui chanta en duo avec Louis Jordan, conjugue swing et be-bop et se prête au style cabaret comme au blues avec lequel on ne triche pas. Hadda Brooks, pianiste de formation classique « réorientée » par les maîtres du boogie, a pour partenaire en 1947 le merveilleux guitariste Teddy Bunn, ce qui donne des promenades de rêve. Rose Murphy aimait les gazouillis enfantins et leur conférait un charme certain. Blossom Dearie, autre voix juvénile et musicalement élastique, tient le cap avec Jo Jones ou Kenny Burrell. Shirley Horn est aussi raffinée en crooneuse qu’en tant que pianiste, mais la Nina Simone des années Bethlehem et Colpix d’élève au-dessus de ses paires.
Par Philippe BAS-RABERIN – SOUL BAG