« L’angle d’approche, nuancé dans le livret, fonctionne » par Jazz News

« L’avant-Garde », c’est tout à la fois une exposition dans les locaux de Frémeaux & Associés à Paris et une compilation orchestrée par Bruno Blum qui mène ses auditeurs d’Erik Satie à Zappa, en passant par Charlie Parker. Les enregistrements classiques, qui ne sont pas les plus incandescents en raison de la politique « domaine public » du label, sont le seul bémol qu’on pourrait faire en toute honnêteté à cette sélection chronologique dont l’angle d’approche, nuancé dans le livret, fonctionne : la correspondance entre Debussy et Ellington, Moondog et Messiaen délivre de nouvelles compréhensions et décloisonne les esgourdes. Mais malgré tout, l’anthologie témoigne malgré elle de la péremption du concept d’avant-garde, dont les origines militaires se rappellent toujours plus à notre présent : l’histoire, fut-elle de l’art, n’est pas un champ de bataille où l’on dégoupille vers l’arrière-ban ses grenades de modernité ou d’académisme. Comment comprendre que soient ramassés sous le même concept la naïveté de Satie (les « Gymnopédies » n’étant peut-être pas les plus à même d’en illustrer l’avant-gardisme) et le swing de Duke, à l’époque si populaire ? Sun Ra, pas vraiment un fan du concept, peut-il être mis aux côtés de Stravinsky, vrai révolutionnaire esthétique et immense réactionnaire sur le reste ? Pour sa qualité et son éclectisme, plus que pour ces réponses à ces questions datées, on souhaite que cette anthologie marque son temps comme étant celui de la clôture d’une histoire où la musique se pensait selon une idée de progrès que tout démentit, l’histoire comme le présent. N.B. La transition entre Harry Partch et Johnny Guitar Watson sur l’anthologie est l’une des expériences les plus insoupçonnables de l’histoire de la musique.      
Par Pierre TENNE – JAZZ NEWS