« L’avantage d’être unique » par Jazzman

Beaucoup de musiciens manouches ont rejoué la musique de Django Reinhardt, comme un texte appris par cœur, les approximations en plus. On les a écoutés avec une certaine indulgence, ou d’une oreille d’ethnomusicologue. On leur a toutefois préféré ceux qui, comme les guitariste Bireli Lagrene ou Christian Escoudé, surent s’ouvrir au monde extérieure pour puiser dans la sensibilité collective des Manouches les ferments d’une musique véritablement plus contemporaine. Romane pose un problème. Celui que posèrent, ou posent encore, les Scott Hamilton et autres Wallace Roney. Ne revendiquant rien d’autre que l’héritage de Django Reinhardt. Il a bâti son quintet sur le modèle du Quintet du Hot club de France. A cette inversion près que la véhémence se situe ici plutôt du côté d’un violon qui, entre les mains de Florin Niculescu, évoque plus Coleman Hawkins que Stéphane Grappelli. Mais, de part et d’autre, l’urgence du lyrisme est la même, évacuant la question de l’actualité de cette musique. D’autant plus que la rythmique (Laurent Bajata, Philippe «Doudou» Cuillerier aux guitares, Pierre Romane à la contrebasse) apporte un soutien d’une qualité qui fut souvent refusée à Django, sur le plan de la basse. Les compositions de Romane reflètent parfaitement le naturel qui porte son expression dans le droit fil de la tradition, mais toujours à juste distance de l’orthodoxie, sans tricherie, sans fautes de goût, sans facilité. Serait-il le premier d’une vague à venir de « néo-manouches » comme il y a des « néo-boppers » ? Il a pour le moment l’avantage d’être unique et – si l’on en croit l’évolution suivie depuis son disque précédent – nous réserve peut-être encore quelques surprises. Franck BERGEROT – JAZZMAN