La musique aussi appelle le conte de fées par Christian Larrède

"L’histoire de la malle pleine à ras bord de bandes magnétiques, et redécouverte inopinément, est trop belle pour qu’on la mette en doute : la musique aussi appelle le conte de fées.
African Woodoo est donc constitué de deux sessions distinctes, qui se sont déroulées entre 1971 et 1975, à Paris et New York. La sélection a été opérée par le saxophoniste, et chef d’orchestre africain le plus célèbre au monde qui, passé à la question, se souvient qu’il était, en France, accompagné par le tromboniste Jacques Bolognesi, Slim Pezin, l’un des guitaristes de la variété française le plus réclamé, le trompettiste Ivan Julien – qu’on a connu derrière Johnny Hallyday – et le saxophoniste François Jeanneau, qui peut évaluer le chemin parcouru depuis le groupe Triangle.
Quant aux sessions états-uniennes, elles accueillirent quelques prestigieux invités, tels le pianiste Cedar Walton, déjà à l’époque fasciné par le funk, Buster Williams, dont la contrebasse croisait alors rien moins qu’Herbie Hancock ou Mary Lou Williams, ou même le jeune batteur prodige Tony Williams. Mais loin d’un rendez-vous guindé de stars du genre, l’album offre des plages instrumentales d’une grande liberté, liée à sa fonction même.
Les dix-sept pièces sont en effet autant de commandes pour le cinéma, la télévision (et la mythique émission Pulsations), voire la publicité (on s’en voudrait de passer sous silence l’illustration sonore vantant le…poulet de Bresse !). Tout est donc interprété dans une totale décontraction, sans les contraintes d’une musique à l’usage exclusif des discothèques, et dans un axe afro-funk, au choix, torride de sensualité, ou frénétique dans ses appels à la danse. Certains morceaux ne dénatureraient pas les albums du Santana (un peu méchant, et très transpirant) de l’époque, d’autres instants renvoient aux merveilles nigérianes de Fela Anikulapo Kuti.
Cha cha cha, rumba congolaise, et, bien naturellement, makossa, déclinent ce qu’on est en droit de considérer comme du bonheur en musique. Il semblerait que Manu Dibango (qui nous gratifie ici en bonus de moments exaltants à l’orgue, ou à la flûte) dispose de bien d’autres merveilles, entre autres enregistrées en compagnie de sidemen de Count basie. Alors, ça vient ?"
par CHRISTIAN LARREDE MUSIC STORY / LES INROCKUPTIBLES